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Florence Noël, inédits
La “découverte” de Possibles, n° 18, mars 2017
Il faut dire le coût du simple
Il faut dire le coût du simple. L’ardeur que requiert la liberté. On la croit dans l’ailleurs, elle est très en dedans. Commencer un matin par jeter ce qui remplit l’espace. La carapace, mais aussi son environnement. Plus on vide les placards, les piles et les listes, plus on évide, croit-on, ce qui encombre l’âme. Mon corps ce tronc massif. Mon esprit ce magma sous pression. Mes mains pleines, mon ventre lourd, mes épaules sous ce joug.
Mais écoper prend ce temps que l’on quête. On s’oublie dans le geste d’oublier. On trie trois mois de journaux et cinq heures passent sans laisser filtrer la faim. La lumière a décru dans l’espace libéré, la fatigue a mangé cette liberté acquise. Le soir nous laisse pantelant. Sisyphe absurde. Que faut-il faire ? Faut-il faire ? Faut-il ? Quand falloir est-il le verbe utile à libérer l’homme ? On rêve d’incendie, même si on craint la dévastation. On imagine le destin. Se résoudre à ne plus trouver que l’once d’un essentiel. Et alors pleurerait-on ? Seulement ce qu’il nous resterait en souvenance. Le revers sombre de la liberté, ce trou mémoriel. Il n’y a aucune liberté dans l’amnésie, dans les visages sauvagement effacés, dans les années ramassées en mille-feuilles, indistinctes, passagères. Le coût du simple, serait-ce cette crainte de se dépouiller jusqu’aux os, et de s’affaler flasque dans les couloirs anonymes d’un monde surpeuplé d’égos ? Demain, une autre pile. Demain, pépite dans le harassement : un visage, un dire excavés. Une gemme, une simple gemme.
Florence Noël, sur Le Livre des visages, 19 juin 2016
mon corps tient en lui des fragments
mon corps tient en lui des fragments de tant d’histoires, ni poing fermé, ni main tendue, récipient à la dérive, ce corps cahote de moins en moins léger, sac d’ouates lesté de limailles
ces histoires… des éclairs algueux, des cordelettes, tantôt attachées, tantôt dénouées, personne pour en remonter le fil, des histoires ni à donner, ni à prendre, parce que hors corps elles seraient à l’évidence étranges, à l’accent trouble, à la peau apatride….
mon corps traître à sa substance, à son essence, que je véhicule de lieux en heures, avec des surfaces douloureuses comme rempart
j’ai vu le ravaudeur d’histoires sur la place, on dit qu’il fait des miracles, on dit qu’on s’épaissit et qu’on s’allège tout à la fois à lui parler
il me suffirait pourtant d’une simple direction, d’un mouvement certain, pour que tout en mon corps s’assemble et conjure l’impesanteur des mots, l’innocuité de la mémoire
pour lever de nouveau la lanterne depuis les bois de l’enfance
Florence Noël, sur Le Livre des visages, 5 février 2017
Née à Ciney [Belgique] en 1973, formation universitaire en Histoire, orientalisme, théologie et didactique, Florence Noël travaille dans l’enseignement. Par ailleurs, elle est investie dans le Net littéraire francophone depuis 1999, surtout des lieux qui stimulent son envie d’écrire. A fait partie du comité de lecture d’Écrits-vains et des listes de partage littéraire comme Pages libres. A fondé le site littéraire Francopolis. Invitée le 31 août 2008 à l’émission de France Culture… — Poursuivre cette présentation de l’auteur