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Eve Guerra
La “découverte” de Possibles, n° 26, novembre 2017
Ma fille tu es belle
— Ma fille tu es belle
c’est ta bouche sur mon épaule qui pique, pique de cette barbe mal rasée, je fuis, je m’attache les cheveux, nous allons partir
— ma fille tu es belle
pensant que demain est un autre jour, et que tu recommenceras sans doute
— ma fille tu es belle
tes mains partout dans le miroir, partout sur mes hanches quand tu m’embrasses dans le cou
je me brosse les dents à cet instant où tu n’es plus là, et le miroir est sale
sale
mais sale
— ma fille tu es belle
et ta voix qui résonne, je ne sais pas respirer, loin de toi, je ne sais pas vivre, la vie me dévore
— reviens
je serai sage, je ne pleurerai pas, tu pourras me casser les doigts, me casser les côtes, je le jure, mais je le jure, je serai forte, je ne dirai rien à personne, et personne ne saura rien
— Eve, mais qu’est-ce que tu crois ? Mais qu’est-ce que tu crois ?
Non. J’ai dit que dans ce texte mon nom c’était Ana
Ana qui court comme une folle, Ana qui te tient fermement
je tourne autour de toi, je tourne autour de tes mains, et il n’y a entre nous qu’un soleil
— Ana tu es belle
si tu reviens
si tu reviens
promis juré
je ne pleure plus
— Ana tu es belle
et cette voix qui résonne quand je me brosse les dents, et le souvenir de ta bouche partout sur mon front
— papa si tu reviens, je guéris, je ne pleure plus, je ne suis plus folle
je ne connais plus ton odeur, je ne connais plus ton visage, je ne sais plus ce qui fait que je tiens de toi
il y avait le ciel jeté entre nous, mes deux mains qui claquaient dans les tiennes, et puis partout le ciel, oui partout, et le soleil, vide
— papa si tu reviens, je ne pleure plus
soleil qui roulait au-dessus des toits
— ma fille tu es belle
— loin de toi, je ne sais plus ce qui existe.
Eve Guerra, repris du Livre des visages, 4 octobre 2017
Eve Guerra est lyonnaise, compte moins de trente ans ; ses pages témoignent d’un talent qu’on devine intense.