Gaston Miron, Possibles n° 46, juillet 2019

Gaston Miron
Le contemporain de ce numéro de juillet 2019

Poème de séparation 1

Comme aujourd’hui quand me quitte cette fille
chaque fois j’ai saigné dur à n’en pas tarir
par les sources et les noeuds qui s’enchevêtrent
je ne suis plus qu’un homme descendu à sa boue
chagrins et pluies couronnent ma tête hagarde
et tandis que l’oiseau s’émiette dans la pierre
les fleurs avancées du monde agonisent de froid
et le fleuve remonte seul debout dans ses vents

je me creusais un sillon aux larges épaules
au bout son visage montait comme l’horizon
maintenant je suis pioché d’un mal d’épieu
christ pareil à tous les christs de par le monde
couchés dans les rafales lucides de leur amour
qui seul amour change la face de l’homme
qui seul amour prend hauteur d’éternité
sur la mort blanche des destins bien en cible

je t’aime et je n’ai plus que les lèvres
pour te le dire dans mon ramas de ténèbres
le reste est mon corps igné ma douleur cymbale
nuit basalte de mon sang et mon coeur derrick
je cahote dans mes veines de carcasse et de boucane

la souffrance a les yeux vides du fer-blanc
elle rave en dessous feu de terre noire
la souffrance la pas belle qui déforme
est dans l’âme un essaim de la mort de l’âme

Ma Rose Stellaire Rose Bouée Rose Ma Rose Éternité
ma caille de tendresse mon allant d’espérance
mon premier amour aux seins de pommiers en fleurs
dans la chaleur de midi violente

Gaston Miron, L’homme rapaillé, Poésie/Gallimard, 1999


Gaston Miron, Poème de séparation 2 —>

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