Armel Guerne, Possibles n° 60, décembre 2020

Armel Guerne
Le contemporain de ce numéro de décembre 2020

L’arbre et le mur

Un arbre debout n’est pas droit,
Il est debout. Il a jailli vivant,
Puissant, du bas de ses racines
Vers le seul point du ciel qui l’attendait,
Ce haut du ciel qui n’est là que pour lui.
Le mur est droit, tout sur sa base,
Et rien ne monte que lui-même. Il est
À tout jamais l’héritier de Babel.
L’arbre se tait, et quand il meurt
Sa prière nous reste et son nom est lumière.

Armel Guerne, Le jardin Colérique, Phébus 1977

La Mousse

Une mousse brillait, retenant la lumière
Comme un bijou sur le bois mort, comme un diamant
Conteste l’ombre et détruit ses entassements
Dans leurs plis et replis d’intentions inconnues.
Rien qu’une mousse avec un peu d’humidité
Sans doute un reste de rosée au grand matin
Ou quelques gouttes d’une averse évaporée
Partout ailleurs, même sur l’herbe ou chez les fleurs,
Et c’est comme un miracle au-dessus des couleurs
Qui flambloie et nous fixe et nous parle et se tait.

Armel Guerne, Le jardin Colérique, Phébus 1977

Ne pas mourir

Je voudrais me glisser sans un soupir
Hors de ce monde, et sans un cri,
Pouvoir sourire et transparaître enfin
De cette immense joie,
Ne laisser après moi pas un regret,
Aucun chagrin, mais un amour vraiment
Avancé dans la confidence et déjà qui
Sûrement la partage.
Je voudrais ne laisser au moment d’être
Aspiré par l’éternité
Qu’une trace de mon bonheur :
Ne pas mourir. Communier.

Armel Guerne, Le jardin Colérique, Phébus 1977


Armel Guerne, Remarque sur De Gaulle —>

Né à Morges (Suisse) en avril 1911 et mort à Marmande (Lot-et-Garonne) le 9 octobre 1980, Armel Guerne est un poète et traducteur de langue française. « Ce qui fausse aujourd’hui l’art d’écrire et l’écarte de ses magies opérant en silence sur la sensibilité et la richesse du lecteur, ce lien d’esprit à esprit par-dessus les mots, cette transfusion d’âme à âme, c’est que la plupart des auteurs n’écrivent que pour être imprimés et pour faire du bruit. Or le sublime don de l’œuvre écrite, son mode opératoire est le silence essentiel qu’elle apporte avec elle. » Armel Guerre, « La fugue », in Le Verbe nu. Méditation pour la fin des temps, Le Seuil, 2014, p. 210-211.

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