Béatrice de Jurquet, Possibles n° 31, avril 2018

Béatrice de Jurquet
La contemporaine pour ce numéro d’avril 2018

Et si l’univers est en expansion, pourquoi pas nous ?
Béatrice de Jurquet, Si quelqu’un écoute

Rien pour le moment

Si c’est possible, plus rien.
On défait la table, on débarrasse,
pas une nappe,
pour le moment rien, plus rien,
Ne me fais penser à rien, ne me fais
ni reproches ni compliments, enlève
ces photos, on dirait des disparus,
ce sont des disparus.
Éclaircie pour un désert,
l’œil non encombré, lavé, pas de nostalgie
dans l’arrière de ton œil, pas de rêves,
les fleurs à côté, pas tout de suite les voir
et surtout, pas de phrases, rien de déjà là,
si c’est possible : pas de phrase.
Rester sur la corde et c’est tout.
Ne pas vouloir, ne pas miser, durer.
Au plus court, au plus simple,
ciel sur table. Aimable et gai, ciel pur.
Ne t’endors pas. Ne pleure pas, ne meurs pas.

Béatrice de Jurquet, Si quelqu’un écoute, La rumeur libre éditions, 2017

Béatrice de Jurquet, Si quelqu’un écoute III —>

Béatrice de Jurquet, poète et traductrice, vit à Lyon où elle a été psychanalyste. Elle publie peu, mais fort. Ce recueil, qui est son sixième, est préfacé par Gérard Chaliand. « Il y a dans sa poésie quelque chose d’irrémédiablement perdu, que les mots cherchent à faire revivre, avant que cette saisie fragile ne s’efface à nouveau. Une nostalgie hors d’atteinte, un présent difficile à saisir, une dérobade du monde. Comment peut-on vivre avec cette déchirure, très tôt survenue et suivie d’autres ? » Outre Chaliand, elle compte parmi ses amis proches François Montmaneix, dont elle révèle à la fin de ce volume « un soutien continu et précieux ». Son recueil vient d’obtenir le prix Max Jacob 2018.

Page précédente —  Imprimer cette page — Page suivante