Béatrice Tocque, in Possibles n° 31, avril 2018

Béatrice Tocque
La “découverte” de Possibles, n° 31, avril 2018

Revenante

Béatrice Toque

Pour ma liberté claire tu fus la seule amante
Descendue des jardins de rouille et de terreur
Proche en ce soir absolu aux confins du réel
Porteuse éternelle de torches refroidies
Les ténèbres sont là attendant mon pas nu
Sur une terre obscure surgie comme une tombe
Tu m’appelles tel un Dieu sans visage
Je m’envole légère enveloppée de suaires
Car on me réclamait d’un nom plus haut
Sirènes sourdes chantées de sources graves
Étroite distinction
De moi parmi les corps, de vous parmi les roses
Un vent soudain m’abandonne aux frontières d’ici
Rescapée des jardins de cendres et de fureur
Profanée je suis seule, naufragée, creux du cœur
Et noire d’avoir été conviée aux frontières humaines
Inverse les chemins, aggrave ma vertu
Que mon corps près des corps se consume
Car j’ai frôlé la mort légère comme une brume
Ô Dieu très lointain se pourrait-il
Que ta lumière me refuse ?

Béatrice Tocque, Le Livre des visages, 2015 [republié par David Terrier]

La vie descend

La vie descend On peut marcher
Des rires saluent l’apparence du jour
Le chemin s’ouvre aux verdures rêvées
Des paresses d’oiseaux s’élancent
Dérangées Tout tarde Aux pentes du réel
Et vois, tout se maintient dans le temps constellé
Là-bas, là-bas sont les jardins de fleurs
Les arbres trop fertiles, là-bas sont les vivants
Quand d’autres meurent au fin fond des asiles
La vie descend, on peut marcher Le pas éclaire
L’immense peur d’être soi dans le temps
Des hêtres effeuillés sont les paupières mi-closes
Et vois comme il fallait tout l’amour des forêts
Pour adopter les yeux de l’invisible.

Béatrice Tocque, Le Livre des visages, 16 février 2018

Hier : William Cliff, Matières fermées —>

Béatrice Tocque était présente sur Le Livre des visages jusqu’aux tout premiers jours de mars. Les indications de son profil tenaient en ces mots : « A-biographique, auparavant psychanalyste-traductrice-interprète F-E-A, Rouen. Elle n’avait guère publié. Je dédie cette page à sa mémoire, dans le souvenir des amis qu’elle citait, le 15 février : Flore, Alena, Mélanie, Camille, Amila et les autres.

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