Béatrice Douvre, Possibles n° 51, décembre 2019

Béatrice Douvre, Journal de Belfort
La contemporaine de ce numéro de novembre 2019

Poème en prose n° 29

Entaille frigide, au sein plat de serpent, masqué sous la pierre des ruisseaux, les courant ont froid, les barques mouillent jusqu’à la mer où je me tiens debout comme une voile. Draps de poussière au-dessous des étoiles, je m’étends aux couvertures fades où l’urine a fait son nid. Je ne dors pas. J’ai souci de sa veille émeraude, dans la parfaite invention de son nom. Qui est-il ? Une pudeur, un froid loin de ma peau percée, loin de mon cœur manquant. Je l’attends, j’ai des doutes sur sa venue, je reviens des présages, les chevaliers blancs avaient dit des malédictions avant l’orage. Elle était dans sa chambre close, bleu marine, le lit découvert mais les draps non froissés, elle a sauvé la nuit hors murs. Elle voit, elle entend la pudeur des jardins lents. Avec tant de feuillages sombres pour masquer la nuit néante, malgré la lune lustrale. Elle veut penser d’immortelles paroles, pour les graver sur les troncs penchés des arbres mûrs. Un lieu, une date, un nom, et toute une vie se perd dans la hauteur des branches, du nom de l’oiseau à l’extase du fruit. Je n’ai plus besoin de lui ni d’elle pour écrire mon serment, une horde sauvage sera ma perfection.

Béatrice Douvre, Journal de Belfort, éditions La Coopérative, 2019, 192 pages, 20€


Pierre Wattebled, J’y resterai longtemps, longtemps —>

« La trajectoire de cette œuvre secrète qui ne peut le rester plus longtemps, élaborée dès la vingtième année, fut de « Gravir / En l’acte de nommer / D’étreindre et de mourir ». À 24 ans, le premier point est gagné, le temps franchi, elle écrit : « J’ai dans les mains l’eau des musiques majeures. » Alors, de même qu’on prête à Malraux la remarque selon laquelle on crée d’abord pour s’exprimer, ensuite seulement on s’exprime pour créer, Béatrice Douvre consigne comment elle aussi a vu tourner le manque entre ses mains : « Marcher maintenait une lampe […] / Marcher maintenant m’éclairait. » On ne peut mieux faire se conjoindre la vie, l’écriture et la mort. » — Pierre Perrin, La Nouvelle Revue française, n° 557, avril 2001 [Article complet]. Béatrice Douvre a ouvert le premier numéro de Possibles en ligne, en 2015.


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