- Menu Possibles, nouvelle série n° 57, juin 2020
- Sommaire de ce n° 57, nouvelle série, juin 2020
- Contemporain : André Blanchard, Contrebande
- André Blanchard, Le Reste sans changement
- André Blanchard, La dernière note, Le Dilettante
- Découverte : Gilles Compagnon, in Le Livre des visages
- Hier : Marie-Josée Desvignes, Haut cœur de pierre
- Invité : Claude Donnay, préface à Cette vie insensée
- Tous les
sommaires
- Avis de parution n° 57 pour relais vers les amis
- Index des auteurs publiés dans Possibles
- [Pour la B.N.F] ISSN : 2431-3971
- Attente —> accès au n° 58 —> le 5 sept. 2020
André Blanchard
Le contemporain de ce numéro de juin 2020
Un jour de mai
Un jour de mai, quand le soleil commence à faire journée continue et nous sort, je suis allé là-bas, sur la tombe de mon père, qui est aussi celle de ma mère depuis janvier dernier. J’avais apporté une dizaine de pétunias. En creusant d’une vingtaine de centimètres le tertre tout frais – la pierre tombale viendra à l’automne une fois la terre tassée –, est-ce que je déloge pas, là, quasi en surface, quelques débris d’os ! J’en eus la chair de poule, à toucher du doigt ce que fut mon père et son retour en poussière. C’était comme si je redevenais le petit garçon de six ans qui le patouillait sur son lit de mort. À dire vrai, c’était tout sauf une illusion : ce môme-là, ai-je jamais cessé de l’être ? Grandir, c’est un mot qui trompe son monde.
André Blanchard, Contrebande, Le Dilettante, 2007, page 158
Grelin revient de loin
Grelin revient de loin, et nous aussi par la même occasion. Un soir de la semaine dernière, nous rentrions vers minuit du restaurant, déjà à nous faire des polissonneries dans l’escalier. Le lendemain, au réveil, plus de chat ! Et qu’est-ce que je vois ? La porte de l’appartement entrouverte ! Pressés la veille de nous envoyer en l’air, nous avions tourné le verrou mais sans nous apercevoir que la porte n’était pas enclenchée. Hop ! nous voici à descendre l’escalier jusqu’au hall : pas de chat. Nous sonnons aux portes : rien, jusqu’à ce que nous tombions sur la voisine du dessous : le chat, après son petit tour dans la cage d’escalier, est remonté et s’est trompé d’étage mais pas de cet, il a miaulé devant sa porte, elle dit l’avoir mis à la cave commune. Nous fonçons, l’appelons, inspectons : rien. Nous avisons une lucarne ouverte, qui donne sur le boulevard ! Paniqué, je ressors et regarde de ce côté-là, me forçant à inspecter la chaussée. Rien cependant… Nous retournons à l’appart, K. en pleurs. Au bout d’un moment, je me décide à retourner à la cave, et je fouille de fond en comble. Après une demi-heure de jurons et de désolation, je découvre Grelin derrière un tonneau devant lequel j’étais passé dix fois en l’appelant. Quel bonheur ! Et quelles embrassades quand je l’ai remonté à K. ! J’apprends donc qu’il ne sert à rien d’appeler un chat perdu, au contraire d’un chien : il faut tomber dessus, le chat a trop peur pour sortir de lui-même de sa cachette. Pour le coup, après le petit déjeuner et une fois la porte bien fermée, nous nous sommes remis au lit pour fêter le dénouement. [Note du 2 juin 1979]
André Blanchard, Un début loin de la vie, Le Dilettante, 2018, pages 90-91