Diérèse, revue n° 68, in Possibles n° 14, novembre 2016

Diérèse, revue n° 68
poésie & littérature, été-automne 2016, 304 pages, 15 €

revue Diérèse 68Le format de 15 x 21 cm fait plus qu’emplir des mains ordinaires. Passé l’éditorial de Daniel Martinez, des traductions de 4 auteurs du “Domaine international” occupent une quarantaine de pages. S’ensuivent deux “Cahiers” présentant, sur cent quarante pages, des extraits de toute sorte [poèmes, mais aussi notes et même cette fois des lettres manuscrites] d’une vingtaine de poètes. Une troisième partie de plus de cinquante pages, intitulée “Regards”, offre des récits et diverses proses. Enfin soixante pages de “bonnes feuilles”, alimentées ici par seize contributeurs, parachèvent le numéro. Cette revue dont le tirage moyen resterait prudent, indiquait son directeur voilà deux ou trois ans sur Recours au poème, a été fondée en 1998. En 2016, la voici donc majeure. Un bémol serait mal venu.

Dans son éditorial, Daniel Martinez revient sur le phénomène de l’écriture poétique. « L’écrivant, s’il se laisse envahir par la langue, ne doit pas disparaître derrière elle. » Il dénonce le truisme d’une des composantes de la modernité qui, sous prétexte d’une contestation de l’ordre établi, fait de la langue un charivari que plus personne ne peut suivre, hormis les imposteurs qui s’échangent leur bêtise et les stupides qui s’en gargarisent, pour autant qu’il faille distinguer les uns des autres. Si l’anguille sous Roche est ainsi mise à nue, on observera qu’en prose aussi le chemin poursuivi de nos jours malmène la notion de littérature. On effleurera ce sujet dans le quatrième paragraphe, ci-dessous.

Le premier cahier propose quelques aphorismes de Pierre Dhainaut. « Qu’attends-tu pour ne plus attendre ? […] Tu n’écris pas pour être aimé, ni même pour mieux aimer, tu écris comme tu aimes, sans condition. » Patrice Dimpre lui succède avec Le Voyage du Monarque affirmant par exemple : « Je tiens à perdre la face sous mon vrai visage. » Passerlergue, Volterra, qui est de Suisse, Farina, etc. Isabelle Lévesque offre Renoue : « La course gardait la hâte en secret. Nous découvrions ce que protégeait le jour en sa source, les strates, couleurs dissociées de l’arc tendu. Il fallait attraper le soir. Rien n’est moins sûr. Alors la venue changeait l’ordre et nous, certains, cheminions »… Le second cahier s’achève par une suite de lettres manuscrites de Jean Malrieu à Jean-François Mathé. Dans leur présentation, Pierre Dhainaut encore rappelle combien l’auteur de Préface à l’amour détestait « l’époque où l’on se regardait écrire ». Mais ce piteux temps-là a-t-il déserté notre épaule ? Plus intéressant, dans la lettre du 8/2/72, Malrieu incite Jean-François Mathé à lui envoyer « une suite plus abondante, que l’on puisse mieux vous connaître ». Ici, le troisième et dernier poème de Jean-François commence ainsi : « Adieu, paupières. / Au matin, le ciel resté dans la nuit / ne viendra plus peser sur vos cils. »

Dans la troisième partie, la publication des notes de mai 2016 de Bergounioux, qui occupent dix-huit pages, venant après trois volumes chez Verdier et un effet de locomotive compréhensible, pose en creux la question du devenir de notre littérature. Les articles qui ont été consacrés aux Carnets de ce proche de Michon font la louange de sa dernière écriture à fond plat. L’un affirme que Bergounioux n’a pas le « désir de briller par des phrases hautement préparées [ou qu’il] soigne une langue qui n’est pas exempte de locutions ou d’expressions parfois rares : Je lis jusqu’à onze heures que je quitte la maison », ce qui revient à dire, sous la plume du critique, tout et son contraire. Ici, le diariste écrit qu’il « finit de noter » par exemple ce qu’il « va raconter à propos de la littérature » ! Il fournit une raison annexe de s’abonner à une revue : s’éviter certains achats de livres. Du fait du volume de qualité à la couverture réussie, de tous les dossiers copieux, avec un prix sans conteste avantageux, la revue Diérèse vaut d’être suivie. Elle assure à elle seule, outre quelques interrogations salutaires, bien des bonheurs de lecture.

Pierre Perrin, note de lecture du 16 octobre 2016

Pour la considérer de plus près, voici l’adresse de son directeur : Daniel Martinez – 8 av. Hoche – 77330 Ozoir-la-Ferrière. L’abonnement à trois numéros pour l’année coûte actuellement 45 €, 10 de plus pour l’étranger. Pour ce numéro seul, il conviendrait d’adresser 18,70 € comprenant les 3,70 € de frais de port. [ISSN : 1290-1946]

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