Paul Vincensini, Possibles, n° 16, janvier 2017

Paul Vincensini, Archiviste du vent
Hier : Reprise du n° 7 [2ème trimestre 1977]

Le Petit Estropié

Paul Vincensini

Par tous les temps
Il venait à pied du Breuil
À l’école communale
Il portait un soulier spécial
Quand il courait
On aurait dit qu’il jouait à la marelle
L’hiver avec son béret
Il astiquait les glissades des grands
Et volait je m’en souviens
Des morceaux de craie bleue
Pour faire des yeux aux hommes de neige
Pendant le chant
Il allait dans le fond
Et caché par les grands il riait
Ou frottait ses pieds sous la table
Il avait un visage mince
Des yeux très bleus
Qu’il cachait avec ses mains
Quand l’instituteur le frappait
En grandissant
Sa patte est restée raide et lourde

Il vient d’avoir quinze ans
Pour meurtre
Aux Assises de la Savoie

Quand elle viendra

Mais nous serons alors devenus
Si étrangers
Si peu curieux l’un de l’autre

Lequel des deux
Dira à l’autre
Enfin te voilà
Tu as bien changé
Tu n’es pas malade ?

Elle posera sa faux
Sur mes genoux
Comme pour s’excuser

Paul Vincensini, Archiviste du vent, Cherche Midi, 1986

Invitée : Françoise Lefèvre, “Te tenir contre moi” —>

Paul Vincensini, 1930-1985 est à retrouver sur ce site tenu par sa famille, je crois. Dans le numéro 7, présentant son recueil Quand même, j’interrogeais : « Y a-t-il plus sérieux que l’humour ? » L’article est du reste, pour partie, repris en note – que feu Jean Breton en soit ici remercié – dans Archiviste du vent, dès 1986.

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