Yves Martin, Possibles n° 16, janvier 2017

Yves Martin, Je fais bouillir mon vin
Le contemporain pour ce numéro de janvier 2017

Il ne sait à quel brûle-gueule se vouer / Du chancre des petites alliées / Ou du poème soûl.
Yves Martin, Le Marcheur, Chambelland, 1972, rééd. La Table Ronde, 1996

Je vois d’ici votre moue

Yves Martin par Jean-Michel Robert

Je vois d’ici votre moue.
Qu’il craque, qu’il crève le vieux bonhomme !
Qu’importe ses lampées, ses mâchées,
Ses dimanches calmes comme des parasols,
Les cigarettes qu’on ressasse, le vin qui ronfle !

Vous vous foutez de ses souvenirs.
Vous avez tort, il a vécu une bien belle aventure.
Ce jour-là il pleuvait. Les gosses chahutaient de tout leur long.
Il avait filé une jeune femme. Il avait été intarissable.
Il lui avait même donné rendez-vous – sans aucune précision de lieu – pour le lendemain.

Il vous aurait raconté comment il retrouva l’altière
Aux yeux carapattant comme un bouquet de grillons.
Vous préférez qu’il se taise, crache, qu’il parte avec ses symboles.
Vous ne ferez jamais de merveilleuses rencontres sous la pluie.

Je comprends. C’est moi, le monstre

Je comprends. C’est moi, le monstre.
Pantagruélique douceur, ils te soupçonnent !
De ma faute, tous ces gestes maladroits,
– Paroles précipitées, blessantes –

On ne déborde pas comme du lierre,
De la mousse, du lichen,
On ne se cache pas sous des hiéroglyphes,
D’ailleurs puérils.

Je ne vous embête pas plus longtemps.
Je cherche, frôle. Voici la spirale.
Je m’éloigne – halo d’innombrables bêtes
Aussi volantes, aussi minuscules que des papilles –
Parfois une certaine raideur dans le vent vous rappelle
Que je ne suis pas au bout du voyage.

Yves Martin, Je fais bouillir mon vin, Chambelland éditeur, 1978
Cette mise en ligne n’aurait pas pu se faire sans l’assentiment posthume de l’auteur

Présentation de Yves Martin, poète —>

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