- Menu Possibles, nouvelle série n° 16, janvier 2017
- Sommaire de ce n° 16, nouvelle série, janvier 2017
- Contemporain : Yves Martin [1936-1999]
- Yves Martin, Le Marcheur, 2 poèmes
- Yves Martin, Je fais bouillir mon vin
- Présentation de Yves Martin, poète
- Découverte : Guillaume de Lacoste Lareymondie
- Hier : Paul Vincensini, [n° 7, avril 1977]
- Invitation : Françoise Lefèvre, Naissance
- Plus une sorte d’éditorial pour 2017
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- [Pour la B.N.F] ISSN : 2431-3971
- Accès au n° 17 —> le 5 février 2017
Yves Martin, Le Marcheur
Le contemporain pour ce numéro de janvier 2017
Qui t’a appris la franchise des phrases
Délicatement obscènes, le fils du châtelain peut-être
Ou plus simplement d’avoir vécu des milliers de matins,
Voix noire dans des arbres de laine.
Yves Martin, Le Marcheur, Chambelland, 1972
Petite fille n’embrasse plus

Petite fille n’embrasse plus la photo du marcheur.
Il ne saurait t’amuser. Il est à peine déconcertant.
Il écrit ce qu’il faudrait toujours écrire.
Il est énorme pour qu’on ne le remarque pas.
Il n’est pas beau comme Modigliani.
Tes dessins, m’a dit ton père, ont quelque ressemblance.
Il a choisi un chemin sec comme un dé.
Bien sûr, il t’offrirait le petit âne.
Mais comment te prendrait-il à la taille ?
Seule excuse, il dort comme tu dors,
Soudain l’ombre trop juteuse dans la chambre.
Il s’asseoit, prend un verre d’eau, il appellerait sans doute
Avant de se rendormir les menottes sur les draps
Comme un mot d’enfant sur une page lumière.
Je me vois assez dans quelques années
Je me vois assez dans quelques années,
Roi bégayant des îles, pour fond de poche
Le sable qui n’a ni haine ni durée
Regarder à travers une svelte piquette
Planter les pirogues, grossir les perles sous l’arbre mauve.
Je passerai mes mains à des métiers rances.
Aucun toit pour ne pas encombrer le ciel.
Je n’aurai d’autres femmes que les petites filles
Qui viennent entre les jambes mûrir leurs dents.
J’aurai oublié les trains, les dépliants.
Les avions me seront devenus une pluie plus précieuse.
J’aurai des fils pleins la poitrine,
Les plus libres à défatiguer la voile.
On me retrouvera un jour mort sur le rivage
Fragile comme mon ami le sorcier.
L’oiseau moqueur prononcera le palabre traditionnel.
On me donnera pour aiguiser ma faim de toute éternité
Les épices qui chantent, le feuilleté des longues chevelures.
Yves Martin, Le Marcheur, Guy Chambelland éditeur, 1972
Réédition à La Table Ronde, coll. la Petite Vermillon, 1996