Philippe Delaveau, Possibles n° 21, juin 2017

Philippe Delaveau, Vigueur
Le contemporain pour ce numéro de juin 2017

Donne-moi la force que je secoue la porte
de la ville assoupie et si l’on m’interdit
la porte, j'entrerai par la fenêtre ou la toiture.
Ce sont des vivants au milieu de quoi je veux vivre,
non ce peuple exténué, ces ombres
qui errent, ces désespérés qui s’agitent.
Il me vient une vigueur neuve pour dire
ce que j’ai pressenti, et je dois le dire.
Le souffle qui soulève les mots, la fureur
qui fait courir ma langue, me secouent comme
la tempête dans l’arbre qui insulte les feuilles,
les feuilles desséchées d'un automne flétri.
La colère et la joie me font trembler d’horreur :
Non ce n'est pas ici que doit finir le chant, je veux des mots
plus amples, l’acte plutôt que la rive étroite du poème.
Mais je ne fuirai pas, face au pays blanc,
moi l’ignorant : sans la complexité des jeux
fallacieux de miroirs, je veux tenter de dire
et si la beauté ne suffit je m’adjoindrai
la fureur et la profanation. Ensemble nous rirons
d’un rire qui fera trembler l'horizon et les vitres.

Philippe Delaveau, Petites gloires ordinaires, © Éditions Gallimard *, 1999
Cette mise en ligne n’aurait pas pu se faire sans l’accord de l’auteur

* « Tous les droits d’auteur de ce texte sont réservés. Sauf autorisation, toute utilisation de celui-ci autre que la consultation individuelle et privée est interdite ».

Philippe Delaveau, Ballade —>

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