Philippe Delaveau, Possibles n° 21, juin 2017

Philippe Delaveau, Ballade
Le contemporain pour ce numéro de juin 2017

Frères humains qui riez et pleurez,
Dans le bruit de la ville et le dénuement.
Et qui n’avez ni secourable main,
Ni parole que pluie et vents.
L’orage et la fureur au-dessus des décombres.
Désespoir. Plainte que nul n’entend
Hormis le mur aveugle et la chaise branlante :
    Le Dieu souffrant est venu vous absoudre.

Frères perdus, à la merci
De qui passe et vous jette un regard négligent.
Ou du profond de l’œil en toute compassion,
Sous la saison d’un arbre sans égard.
Ayez pitié de ceux qui de vie n’ont souci,
Ni soif, désir. Ni temps. Et continuent de bruire.
Feuilles en perdition. Solitudes amères :
L’an se chargera d’eux, cendre au déclin du soir.
    Le Dieu souffrant est venu vous absoudre.

Frères du même appel et confiants,
La nuit, la sédition, les rapaces, l’envie,
Le tumulte, le bruit guerroyant
Vous ont traqués. Leurs chiens aboient. Leurs chiens
Hurlants. Le désespoir dévore et sa griffe lacère.
Et nous sommes si loin. Oublieux. Impuissants.
Pourtant si désirant d’amour au fond de nos misères.
Pardonnez-nous oubli, égarement :
Vrai compagnon de souffrance et de douleur,
    Le Dieu souffrant est venu vous absoudre.

Philippe Delaveau, Labeur du Temps, © Éditions Gallimard*, 1995
Cette mise en ligne n’aurait pas pu se faire sans l’accord de l’auteur

* « Tous les droits d’auteur de ce texte sont réservés. Sauf autorisation, toute utilisation de celui-ci autre que la consultation individuelle et privée est interdite ».

Philippe Delaveau, une présentation du poète —>

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