- Menu Possibles, nouvelle série n° 24, septembre 2017
- Sommaire de ce n° 24, nouvelle série, septembre 2017
- Contemporain : Rio Di Maria, trois poèmes
- Rio Di Maria, Pourvu qu’on ouvre la porte
- Rio Di Maria, Gouttes de sang innocent
- Présentation de Rio Di Maria, poète
- Découverte : Claire Krähenbühl
- Les éditions Jacques Brémond, un site
- Invitation : François Laur, in memoriam
- Lecture : Delacomptée Le Sacrifice des dames
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sommaires
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Claire Krähenbühl
La “découverte” de Possibles, n° 24, septembre 2017
Au bois, il y a un oiseau
Au bois, il y a un oiseau. Son chant vous arrête et vous fait rougir
Le mien, dans le petit bois du jardin, m’arrête comme l’oiseau de Rimbaud, mais il me serre le cœur d’amour et je n’en rougis pas.
Je cherche toujours le nom de mon oiseau.
Ne le cherche plus m’a-t-on dit. Laisse-lui son mystère.
Ne cherche plus la langue de son chant ni son nom d’espèce.
Mais c’est que je suis si curieuse. Reconnaître les rapaces en vol, les passereaux du chêne. Ne peux m’empêcher de leur crier doucement : Qui es-tu ? juste avant leur fuite quand ils sortent des feuilles
et pfuitttt ! Il s’envolent, emportant leur nom.
Pareil avec les humains : dans les transports publics, j’écoute les dialogues entre une mère et son enfant
Je dresse l’oreille. Je brûle. Quelle langue ? . Attraper juste un mot pour être sûre qu’ils parlent…. Quoi ? Albanais par exemple : Mirë ou Pô.
Alors je leur parle du Kosovo et ils sont ravis.
Et l’obsession pour mon oiseau ! Je crois que c’est un merle mais.
Il ne chante pas comme les autres. J’ai cherché sur You tube et j’ai passé en boucle un petit CD « oiseaux de nos jardins ».
Mon oiseau chante comme personne.
pour les vieux jardins de curés ou d’autrefois
Je ne suis pas la seule à écrire dans la cuisine
ma sœur aussi
Et je pense que des hommes travaillent comme nous
à cette simple table sur la toile cirée ou le bois
entre la cuisinière et l’évier avec la pierre à eau
les plantes le frigo qui bourdonne la fenêtre
qui donne sur la rue le village derrière les rideaux
à jours fleuris de roses l’ail et les oignons suspendus
en guirlandes la lampe allumée si souvent
Comment écrire encore dans la chambre à écrire ?
existe-t-il encore ce meuble d’écriture, le bureau ?
Il faut des tables buissonnières le train les salles
d’attente les buffets de gare qui hélas disparaissent
un bout de papier un bout de cahier les genoux
l’évier sent fort écrivait un poète qui parlait de cuisines
de lessives, d’odeurs, de choses noires, domestiques
mais aussi de jeunes filles rêveuses de neige et de mort
(mais qui lit encore Clara d’Ellébeuse ?)
Claire Krähenbühl, Le Livre des visages
Claire Krähenbühl a publié une vingtaine d’ouvrages, en Suisse, aux éditions Éliane Vernay d’abord, puis de l’Aire. Elle a été lauréate du prix Louise Labbé 1992 pour La Rebuse de l’épine noire et du Prix des écrivains vaudois 2015 pour l’ensemble de son œuvre. Le dernier recueil en date s’intitule La Bague de Lumnie et réunit des poèmes, avec des dessins de Gisèle Poncet, Genève, Éditions Samizdat, 2015.