- Menu Possibles, nouvelle série n° 28, janvier 2018
- Sommaire de ce n° 28, nouvelle série, janvier 2018
- Contemporain : Jules Renard, Le Portrait
- Jules Renard, La mère [deux versions]
- Jules Renard, La visite au poète
- Découverte : Isabelle Alentour, Fenêtres
- Invitée : Jacqueline Saint-Jean, L’atelier du rivage
- Invitation : Lucien Noullez, Notes de journal
- Emmanuelle Delacomptée, La Soie du sanglier
- Tous les
sommaires
- Avis de parution n° 28 pour relai vers les amis
- Index des auteurs publiés dans Possibles
- [Pour la B.N.F] ISSN : 2431-3971
- Accès au n° 29 —> le 5 février 2018
Isabelle Alentour
La “découverte” de Possibles, n° 28, janvier 2018
Un silence en forme d’arbre
Un silence en forme d’arbre ou de nudité je ne sais pas
Je t’écris fenêtres ouvertes sur la nuit en attendant que se réveille l’arbre ou que se dévoile la plaine Cette nuit est trop chaude pour un homme qui marche depuis longtemps trop transparente pour un homme nu trop enveloppante pour un solitaire
Le monde ne sera plus jamais le même
Peut-être en va-t-il ainsi de toutes les mains et de toutes les peaux et de tous les corps qu’on a frôlés ou caressés Il arrive un moment où on ne les a ni frôlés ni caressés En quelque sorte c’est comme si on n’avait jamais frôlé ou caressé
Le monde n’est déjà plus le même
Isabelle Alentour, Je t’écris fenêtres ouvertes, éditions La boucherie littéraire, 2017
[Collection La feuille et le fusil, dirigée par Antoine Gallardo]
Elle n’est pas tombée
Elle ouvre les yeux dans la chambre et les bras entre les draps, réveillée par les bruits du chariot dans le couloir.
Elle n’est pas tombée car elle n’a pas trébuché, elle pas protesté, elle ne s’est pas opposée, elle ne pouvait pas.
Alors elle n’a rien fait, elle a juste tenu bon.
Tel garçon a fait ceci, telle fille a fait cela. Elle, elle n’a rien fait, elle le réalise, elle n’a rien fait.
Elle n’est pas tombée, elle s’est juste réfugiée dans son rêve. Entre les draps de l’invisibilité, dans l’étoffe de l’intime, au bord de l’intérieur.
Elle n’est pas tombée elle est restée à la frontière, dans l’écume mousseuse des jours, elle s’est tenue au bord, elle y a fait séjour.
Peu à peu ce bord l’a exclue, il est passé et repassé entre le monde et elle, est même passé à travers elle et l’a laissée déchirée en deux, interrompue par ce qui vit, qui advient, qui croît jusqu’au centre et transforme le familier, ce qui est à la main, en un constant dépouillement.
Elle n’est pas tombée.
Elle a dévissé dans ses rêves.
Aujourd’hui elle se réveille.
Lui reste à vivre.
Isabelle Alentour, sur Le Livre des visages, le 27 décembre
Isabelle Alentour, née à Marseille en 1962, vit à Marseille, est présente avec un choix de poèmes sur Terre à ciel.