Patrice Cauda, Possibles n° 34, juillet 2018

Patrice Cauda
La page “invitation ” pour ce numéro de juillet 2018

La Mère défigurée, IV

Ce corps déjà perdu qui dort dans la poussière
près du Rhône où courent les eaux ivres
elle est dans le sommeil sans souffrance
elle appelle mes pensées si souvent incertaines

Ce pauvre esquif doit être plein de cendre
pourtant je sens ses doigts sur ma joue
elle vient familière dans mon esprit
elle jette son apaisement sur la plaine que j’aimais

Combien ne sont plus qu’un portrait comme elle
la terre engloutit la musique de leur regard

Le vent qui fait peur aux vivants
et le silence qu’il faut peupler de bruits
ils fixent toujours le même ciel
leurs corps ne craint plus ce four muet

Dites quand je serai tissé de froid comme elle
ne venez pas avec votre petit chagrin vêtu de gris
je serai sage mes blessures fermées
j’écouterai alors seulement les eaux.

Patrice Cauda, Pour une terre interdite [extraits], © Les Hommes sans Épaules, 1952 ;
repris in Christophe Dauphin, Patrice Cauda, Je suis un cri qui marche, essai, choix de poèmes, 2018


Patrice Cauda, La Mère défigurée III —>

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