- Menu Possibles, nouvelle série n° 3, décembre 2015
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- Hier : Roland Nadaus À ma femme [n° 17, 1979]
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Jean Pérol, Pouvoir de l’ombre
deux poèmes repris de ce recueil de 1989
Comme est loin la montagne

Comme est loin la montagne où tu fus de ce monde
comme est loin l’incendie le satin des grands lacs
le corps en est déjà frappé et perd son peu de force
d’être déjà si loin de ce qui fut si neuf
il faut encore partir peu importe ce temps
de rassembler l’odeur et le frais des matins
il faut abandonner la courbe des pruniers
et l’enfant qui traverse l’or léger des vergers
dans les miroirs qui est-ce celui qui te regarde
aux traits d’années acides de cendres immobiles
serrant avec sa main un cœur qui se dérègle
et de l’autre la main de celle qui va vivre
on se souvient on se souvient de ces matins qui n’auront plus
la vraie intensité des vrais commencements
et l’on se sent repris des songes d’un avant
décidant que la mort est pauvre désormais
Jean Pérol, Pouvoir de l’ombre, éd. de la Différence, 1989 [page 41]
Bases
[un poème en prose]
Que peut la femme, que peut la plainte, la jeune fille aux doigts légers, aux longs cheveux qu’ont voit voler ? Rien. Si peu contre les couteaux, les bateaux éventrés, le goudron noir où s’encoller. Tape encore dans la glue, la gangue grasse qui s’étouffe. Cavalcade, cavalcade, cavalcadons vers le soleil, le matin clair tombé des arbres mais comment échapper au cauchemar du piétiner. Qui sera belle, belle, puissante à délier le noir, la lame froide, la mort et ses vengeances ? On peut fixer la route, la chère lumière qui poudroie : aujourd’hui sous ce ciel clair, rien qui n’avance vers toi. Des entrailles de la terre en passant par la mer, le goudron sur la route vient coller sous les pieds. Le pied l’aile le sang, beaux enfants, même combat dans l’étouffant.
Jean Pérol, Pouvoir de l’ombre, éd. de la Différence, 1989 [page 126]