Jean Pérol, poèmes in Possibles, revue de poésie en ligne [nouvelle série n° 3, décembre 2015]

Jean Pérol, Mère… et Par la femme
poèmes de 1982, Œuvres complètes, Poésie 1 et de Ruines-mères, 1998


« Sachez avoir tort. Le monde est plein de gens qui ont raison, c’est pour cela qu’il écœure. » L.-F. Céline, lettre à Henry Miller, sept. ou oct. 1934 [in Frédéric Vitoux, La Vie de Céline, Grasset, 1988, p. 460]



Mère
Me voici devant la pierre
où ton nom n’est même pas

Mère il pleut il pleut encore
Sur tes grands yeux à la Garbo
Sous un ciel que tu n’aimais pas
Loin des soleils de ton midi
Dans le désert de ton tombeau

Mère
Je viens de loin j’arrive tard
Écoute-moi si tu le peux
Maintenant tout m’est égal
Je sais rester assis sur une chaise
Comme un vieil indien
Comme un vieux paysan qui n’en peut plus
Comme ton père sur les pierres
Fixait un Rhône qu’on ne voit plus.

Jean Pérol, poème de 1982, repris dans Œuvres complètes, Poésie 1

Par la femme partie le travail retiré
Par le fils exilé les amis sans mémoire
Par l’usure des songes des objets et des forces
La solitude sous l’arbre et les murs trop muets

Par les trahirs chantonnant sous la porte
L’injustice qui remue
Ses clous dans la tête dans les yeux
Par le lit froid où le corps forid
Touche l’effroi de l’infini

Par l’absence des mots dans l’air et dans la bouche
Par la main retirée par l’avenir déchiqueté
Sur l’horizon brûlé des soixante ans en cendres


Je tiens debout j’entends le gong
Je m’écroulerai dans mon sang.


Jean Pérol, Ruines-mères, le cherche midi éd. 1998


Jean Pérol, On va fermer le Luxembourg —>

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