Bakou, Possibles n° 40, janvier 2019

Bakou
L’invité de ce numéro de janvier 2019

Je ne reçus pas de balle

Bakou

Je ne reçus pas de balle pendant la guerre d’Algérie, Dieu merci, mais une gifle. J’avais moins de six ans, elle faillit me faire perdre l’équilibre. Je revenais de l’école. Ce n’était pas vraiment l’école, j’étais encore trop petit, on appelait cela « Cours d’Initiation ». Étourdi, comme je le suis d’ailleurs toujours, je ne m’étais pas arrêté à un lever de couleurs sur la place publique. Mon père m’avait pourtant déjà averti et appris à le faire, au garde-à-vous. Un passant, qui lui s’était arrêté, me gifla. La gifle vint brusquement. Il m’a fallu du temps pour réaliser et comprendre. J’en ai pleuré pendant plusieurs jours. J’eus en horreur le drapeau français pendant plusieurs années et, par opposition, pour le drapeau algérien qui circulait sous le manteau, une grande sympathie. Il me paraissait bien plus beau avec son étoile et son croissant, et son vert bien plus chaud que le bleu du drapeau français. Le secret dont on s’entourait pour le sortir afin de le regarder, finissait par me fasciner.
C'est seulement bien après l’indépendance de l’Algérie, quand on m’offrit au collège, comme prix de Français, Les Misérables de Victor Hugo avec une illustration à l’intérieur qui n’était autre que La liberté en marche de Delacroix, où l’on voit le futur Gavroche aux côtés de la République tenant le drapeau, que j’appris à voir autrement le drapeau français.

Bakou, Le Livre des visages, 6 novembre 2018


Entretien P.P. / Jeanne Orient, le 17 déc. 2018 —>

Je ne sais rien de cet homme, sinon sa modestie. Notre brève rencontre au festival de Montmeyan, où il était venu tout exprès cet été avec sa femme, fut délicieuse. Je souhaite à ce couple béni des dieux une longue vie heureuse.

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