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Guy Allix
Le contemporain de ce numéro de janvier 2019
Prière du mécréant
à Jean-Luc Maxence
Mon Dieu mon Dieu
Je viens à toi
Le pied enflé de terre le pied terre déjà
Moi qui ne t’ai jamais su
Moi qui n’ai jusqu’alors jamais su me faire à l’idée de toi
Je viens ce soir vers ton silence
Je ne suis que le peu et je suis si seul
Je t’ai nommé je t’ai créé à mon image
Je viens à toi démuni
Les mains vides et le cœur fatigué
Toute ma vie mon Dieu
J’ai lâché l’ombre pour la proie
Toute ma vie j’ai couru comme un fou au lointain
Vers ce rêve qui était à ma porte
Trop longtemps aussi j’ai attendu
Je ne priais pas mais j’étais à genoux
Au plus loin de moi-même anéanti sous le joug
Trop longtemps j’avoue que je n’ai pas vécu
Oui toute ma vie j’ai gâché ta vie
Même si je me suis battu parfois comme un beau diable mon Dieu
Pour accroître le temps encore et malgré tout
Et toute ma vie j’ose le dire
J’ai été un homme sans Dieu
Sans cette orgueilleuse certitude de ton nom sur l’existence
Mais j’avoue aussi que j’ai aimé tes pauvres créatures
Comme un fou comme un homme comme un dieu même mon Dieu
Même si cela ne me fut pas toujours rendu loin s’en faut
J’ai aimé jusqu’à perdre haleine jusqu’à perdre vie
J’ai aimé humblement parfois jusqu’à l’orgueil d’écrire
Oui je t’assure que j’ai pu brûler aussi et cela me suffit
Et me donne encore ce courage de marcher vers toi aujourd’hui
A l’heure où je n’ai plus trop de jour plus trop de voix
Où j’ai besoin de ton nom comme d’un rêve ultime
Je ne te donnerai presque rien
Un simple caillou dans la paume d’un enfant
Quelques mots un poème cette prière
Comme un dernier souffle jeté sur ma cendre
Mais je ne te demande pas la lune non plus
Et tu ne le sais que trop l’éternité serait un fardeau bien lourd
Pour mes pauvres épaules d’éternel pécheur
Non mon Dieu
Donne-moi juste encore un peu de temps pour survivre
Un peu de temps pour aimer
Un peu de temps pour la révolte
Donne-moi juste encore mon Dieu
Un peu de temps pour mourir
Guy Allix, Le Sang le soir, L’Athanor, 2015,
prix François Coppée 2016 de l'Académie française