- Menu Possibles, nouvelle série n° 44, mai 2019
- Sommaire de ce n° 44, nouvelle série, mai 2019
- Contemporain : Lucien Becker, Dès que tu entres
- Lucien Becker, La vie est belle, belle à en crier
- Lucien Becker, Je m’enfonce très fort les ongles
- Lucien Becker, Une brève présentation du poète
- Découverte : Jean-Claude Crommelinck, deux poèmes
- Denise Mützemberg, deux poèmes en grand plaisir
- Invitée : Murielle Compère-Demarcy, deux poèmes
- Lecture par Jean Pérol du Modèle oublié [Laffont]
- Tous les
sommaires
- Avis de parution n° 44 pour relai vers les amis
- Index des auteurs publiés dans Possibles
- [Pour la B.N.F] ISSN : 2431-3971
- Accès au n° 45 —> le 5 juin 2019
Lucien Becker
Le contemporain de ce numéro de mai 2019
Je m’enfonce très fort les ongles
Je m’enfonce très fort les ongles dans la peau
pour me rappeler que je suis encore en vie
à l’heure où mes doigts craignent de se refermer
sur des os prêts à jouer le jeu de la mort
Que me reste-t-il de quarante ans de regards,
sinon le souvenir de deux ou trois couchants
au-dessus de soirs presque sans date ni lieu,
de blés marchant la tête haute vers la nuit ?
Le soleil fait semblant de ne pouvoir sortir
d’un filet d’eau traversant pierres et chemins
ou des yeux d’une amoureuse pour qui se lève
le jour irremplaçable d’un visage d’homme.
Elle avance sans savoir que les murs s’éclairent
à l’approche d’un corps aussi bouleversant
que celui d’un navire en route vers la terre,
foudre vivante à quoi se brûle l’horizon.
La lumière éparse n’a plus d’autre support
qu’une main tendue venant tout droit de la nuit
et par laquelle ma chair rayonne et s’étend
très loin de ce point trop gris qu’est toujours le cœur.
Lucien Becker, L’Été sans fin, 1961, repris dans Rien que l’amour, 1997
Poésies complètes La Table Ronde, [en Petite Vermillon, 2006 et 2019]