Lucien Becker, Possibles n° 44, mai 2019

Lucien Becker
Le contemporain de ce numéro de mai 2019

Une présentation du poète

Lucien Becker

Lucien Becker [1911-1984] a huit ans quand, un beau jour d’été, un étalon au pré s’écroule dans l’herbe, foudroyé sous ses yeux. « J’ai cru que c’était moi » déclarera-t-il plus tard. La scène est à ce point capitale qu’elle aiguille son œuvre entière. Après Georges Mounin dans Camarade Poète I, Galilée/Oswald, 1979, et Jacques Réda dans La Sauvette, Verdier, 1995, Guy Goffette définit bien sa poésie : « Ni éloge, ni cantique, ni ode, mais à voix nue, et la plus ordinaire, la plus libre d’artifices, martelée de négations et de relatifs, l’inventaire monodique et obsédant des blessures de la solitude et des gestes de l’amour. » Si Lucien Becker n’est pas devenu le grand poète lyrique que son époque aura choisi, il reste celui qui aura tenu et exprimé le réel – comment un homme voit et vit la réalité de son existence – du plus près possible, à l’écart de presque tout artifice. En cela, il aura prolongé la leçon de Reverdy, sa tension nouée, cette écoute des pas, des heures, alors que « le silence même est fait de minéral ». Pas de somptueuse orchestration, mais une thématique de l’amour et du silence soutenue par une sorte de contre-chant, qui laisse entendre « les pas du sang » et « la mort entre nous/comme le ciment entre les pierres ». Lucien Becker à cinquante ans cesse d’écrire ; et il « tient silence ». Lucien Becker a eu très tôt la conviction qu’il serait un « homme dont le nom n’est sur aucune lèvre [et] va devenir un simple trait sur l’horizon ». Hanté par l’idée de la mort, convaincu de l’insignifiance de tout ce qui la précède, il ne trahira son nihilisme que pour deux passions : l’écriture et l’amour. Mort, amour, poésie : voilà la sainte trinité d'un homme qui se mit à écrire « comme on trébuche dans son ombre », selon la formule de Guy Goffette qui a établi l’édition de ses poésies complètes à La Table Ronde en 1997, réédité en poche cette année. Lucien Becker, mort à Nancy en 1984, repose au cimetière de Dieuze où la médiathèque porte son nom. Un site lui est consacré.

Pour donner à lire Lucien Becker, Rien que l’amour, 1997
Poésies complètes à La Table Ronde, [en Petite Vermillon, 2006 et 2019]


Jean-Claude Crommelinck, deux poèmes —>

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