- Menu Possibles, nouvelle série n° 47, août 2019
- Sommaire de ce n° 47, nouvelle série, août 2019
- Contemporain : Michel Baglin, L’alcool des vents
- Michel Baglin, Embruns de femme [2 extraits]
- Michel Baglin, Notre planète, inédit de février
- Jeanne Orient, Hommage à Michel Baglin, 14 juillet
- Découverte : Yasmina Hasnaoui, Cargo blues
- Hier : Sylvaine Arabo, Marines résiliences
- Invitée : Joëlle Pétillot: Le Bal des choses immobiles
- M. Compère-Demarcy, Alchimiste du soleil pulvérisé
- Tous les
sommaires
- Avis de parution n° 47 pour relais vers les amis
- Index des auteurs publiés dans Possibles
- [Pour la B.N.F] ISSN : 2431-3971
- Accès au n° 48 —> le 5 sept 2019
Michel Baglin, in memoriam
Le contemporain [mort le 8 juillet 2019] de ce numéro d’août 2019
Notre planète
Tant de mêmes paysages peuplent nos regards !
Depuis plus d’un demi-siècle ensemble nous jouons les balanciers sur la crête des jours traversés, craignant pour l’autre, se tenant du bout des yeux, nos pieds sur la corde raide
comme nos cœurs cherchant l’équilibre, s’inventant les gestes simples de la confiance trouvant l’appui à demi-mot.
Sous la poussière retombée des années,
nos vies ont composé une planète familière
une géographie de lieux conquis et de pays inventés où nos deux enfants poussent leur chemin.
Cette terre nous est commune,
elle nous nourrit
tandis que notre mémoire frémit
au murmure des mêmes sources,
et l’on partage l’un et l’autre les sentiers d’alpage qui nous conduisent encore par la pensée
sur l’épaule nue de la montagne,
les ravines et les passages d’éboulis
et l’éblouissement de la mer scintillant à nos pieds. Depuis plus d’un demi-siècle l’amour
nous a mis en route ensemble tant de fois,
tant de fois nous a dessiné derrière l’horizon du quotidien des gares de campagne, des terminus d’utopie,
un môle, un phare, un bout de terre, une île
et les petits enfants de l’avenir.
Des champs de lavande aussi pour baigner nos caresses, des chambres de pénombre pour enrober l’été.
Nos corps se connaissent et s’épellent du bout des doigts. Ils ont toujours crainte de se perdre
et se cherchent la nuit comme nos sourires devinés.
Ils ont toujours crainte de se perdre
pour s’être un peu perdus naguère
en des courants contraires
sans cesser de se connaître pourtant
ni de retrouver leurs formes dans le moule de nos mains. Plus d’un demi-siècle d’amitié ont arrondi nos angles,
le miel de la complicité étale sa douce lumière
sur les blessures et les angoisses de nos âges.
Un printemps toujours soulève nos terres
de ses pousses neuves,
de sa verdeur de promesse.
Et le gros coton gris des ciels de novembre n’y peut rien.
© Michel Baglin, in Le Livre des visages, Février 2019