Hommage de Jeanne Orient à Michel Baglin, Possibles n° 47, août 2019

Michel Baglin, in memoriam
Le contemporain [mort le 8 juillet 2019] de ce numéro d’août 2019

Jeanne Orient, Hommage

Cher Michel,
« Je vais droit au jour turbulent » écrivait André du Bouchet. Le jour turbulent, tu y es allé avec tes mots, avec ce : « je rends grâce à cette part résiduelle qui nous ressemble encore au bout de nos fatigues et des journées perdues, à cette part que nous voudrions croire aussi irréductible qu’elle est rebelle aux injonctions des modes, rétive aux rêves qu’on affrète pour nous perdre et qui nous fait chercher des mots pour tenter dans la foule d’aller réveiller en chacun le poète qui s’est tu ».
Droit vers ce jour turbulent, tu écris encore : « J’écris pour tenir tête au silence établi ». Tu continues ta route en consignant ces mots d’espoir : « Je rends grâce au temps perdu, le nez au vent, aux rêveries qui finiront bien par faire un jour le monde meilleur ».
Puis, il y a cette halte où tu nous dis : « C’est un lieu que je connais, un temps que je fréquente. J’y ai des habitudes de vivant qui s’absente, dans un arrière-pays jamais très éloigné, où lève sous l’encre une nuée d’oiseaux de nuit, dont j’écris le vol dans l’espoir qu’il va m’enseigner où ont émigré jadis les horizons promis ». Et tu t’émeus de ce « jadis » et de ces horizons promis et tu nous dis encore : « Mais je sais bien moi que le chant des hommes est un sang qui revigore le mien. Qu’il m’aide à mieux embrasser le paysage, / à sentir plus fort, à voir plus grand, et que le moindre poème m’aura donné du large. »
Et Le jour turbulent qui demande lucidité et courage te fait murmurer : « Ce monde qui s’en va était un dernier lit. La lune a trébuché ». Mais tu sais combien nous sommes fragiles. Combien chaque mot peut être pour nous une défaite. Combien Le jour turbulent et ses turbulences peuvent nous faire vaciller… Alors, comme pour nous consoler déjà de ton départ, comme pour nous dire que tous, nous ne faisons que passer, tu nous souffles : « la vie est là, l’insaisissable vie, devant. Faite de faims comblées, de soif et de fontaines, de fatigue et de sueur dans une journée pleine… la vie qu’on ne saura pourtant habiter qu’en passant »…
Tes recueils en mains et tes mots dans nos cœurs, nous te faisons révérence cher Michel. Nous te disons merci pour les Chemins d’encre, pour L’alcool des vents, pour Les chants du regard, pour L’Obscur Vertige des vivants et pour tant de titres dont Ce présent qui s’absente. « Ce doit être ici le relais / où l’âme change de chevaux » a fait graver comme épitaphe Jules Supervielle. Ce doit être ici, cher Michel, que ton attelage t’attend. Nous ne t’oublierons pas. Jamais. Tu nous laisses tous les « Chemins d’encre » où nous irons, chacun à son pas, chacun au gré de son destin. vers Le jour turbulent. So long Michel... au revoir. Le mot en anglais se fait plus poignant encore. Ce n’est pas un simple au-revoir. Il porte l’image de ceux qui sur le quai agitent leur mouchoir, une larme en bord de cils et ils l’agitent encore éperdument comme une dernière image, que l’autre peut-être pourrait voir longtemps encore. So long Michel Baglin… Au-revoir.

Jeanne Orient, in Le Livre des visages, 14 juillet 2019


Yasmina Hasnaoui, Cargo blues [2 extraits] —>

Jeanne Orient est une grande lectrice éclectique. La découverte aiguise sa passion de vivre. Jeanne n’aime rien tant que partager ce qui nourrit son esprit. Elle s’avère plus qu’intelligente, ingénieuse. Généreuse, attentive jusqu’au silence, elle maîtrise l’art de la communication. En toutes occasions, elle fait se conjoindre le dialogue et la persuasion. Rencontres et vidéos à réaliser lui font arpenter Paris en tous sens. Son ambition la conduit à susciter le plus grand bonheur possible autour de ses projets. La réussite lui vaut un public grandissant, chaleureux. Sa modestie la conduit à laisser dans l’ombre et parfois le secret, jusqu’auprès de ses amis, qu’elle écrit aussi. Elle a publié L’Accident de soi, roman-témoignage, chez L’Harmattan en 2011. Qu’elle soit ici remerciée pour l’ami Baglin.


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