Béatrice Marchal, in Possibles, n° 11, août 2016

Béatrice Marchal, Résolution des rêves
[La page “invitation ” de Possibles, n° 11, août 2016

L’ambition patiente / d’un avènement de soi à travers les mots
Béatrice Marchal, Résolution des rêves, L’herbe qui tremble, 2016

Chaque fois que revient le calme

couv. MarchalChaque fois que revient le calme
en moi, c’est le petit ruisseau d’eau claire
que je revois, tel qu’on l’aperçoit de la route
où chaque fois nous nous arrêtons et laissons
en silence s’emplir nos yeux et nos oreilles
de ses couleurs, de son chant, de sa fuite
à travers champs, simplement dans l’ordre du monde.

Surprendre la maison

Surprendre la maison des vacances fermée

le salon endormi dans le froid et l’obscurité,
encombré par la table de jardin qu’on rentre pour l’hiver,
les journaux vieux de quelques semaines, les jouets oubliés.

On s’arrête, croyant entendre
résonner dans le silence les bruits
de la maison occupée, les cris des enfants,
leurs poursuites et les chocs de vaisselle
à la cuisine, l’agitation ordinaire
rendue palpable par tant d’immobilité.

On s’arrête, assailli sur le seuil
par la voix et le visage
de ses hôtes familiers,
vivants, disparus, jeunes ou vieux,

fantômes transformés sous le baiser
de la mémoire en vivantes balises
du voyage à poursuivre après l’étape.

Béatrice Marchal, Résolution des rêves, L’herbe qui tremble, 2016
avec l’aimable autorisation de l’auteur et de l’éditeur

Béatrice Marchal, avec Résolution des rêves paru aux éditions “L’herbe qui tremble”, au printemps 2016, livre un recueil d’une apparente simplicité. « Tout à présent est simple et calme. » Parfois la page apparaît proche de l’évanescence, tellement le sujet du poème est ténu. « De nos sourires / qui mûrissaient dans la lumière / d’été ne reste / que feuilles vertes jaunes rousses / dispersées sur le sol humide. » C’est un recueil inégal, cependant parcouru par de belles trouvailles [« ta robe trouée / d’impossible parole »] et d’une humanité sensible. Ainsi le poème, en deux parties, consacré à sa vieille mère : « Cette femme à bout de fatigue et de vieillesse / allongée les yeux fermés dans un chariot… » Entre autres travaux critiques, par ailleurs, elle a consacré une préface remarquable au volume de Richard Rognet, qui rassemble Élégies pour le temps de vivre et Dans les méandres des saisons, dans la collection Poésie/Gallimard, nov. 2015. Les poèmes consacrés à la fin de la mère, Elle était là quand on rentrait, sont d’un lyrisme qui ne peut laisser personne indifférent.

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