- Menu Possibles, nouvelle série n° 12, septembre 2016
- Sommaire de ce n° 12, nouvelle série, septembre 2016
- Contemporain : Alain Borne
- Alain Borne, Le Plus Doux Poignard
- Alain Borne, Indéchiffrable, inédit
- Présentation du poète Alain Borne
- Découverte : Anne Marguerite Milleliri, Poèmes
- Hier : Jean Breton, [n° 11-12, déc. 1977]
- Invitation : Jean-Pierre Georges, 2 poèmes
- Tous les
sommaires
- Index des auteurs publiés dans Possibles
- [Pour la B.N.F] ISSN : 2431-3971
- Accès au n° 13 paru le 5 octobre
Jean-Pierre Georges, Deux poèmes et Jamais mieux
La page “invitation ” de Possibles, n° 12, septembre 2016
S’il était vraiment mon ami, il ne m’enverrait pas son livre.
Jean-Pierre Georges, Jamais mieux, Tarabuste, 2016
Qu’ai-je fait
Je ne me suis pas gorgé de corps souples ni de chevelures indémêlables. Je n’ai pas plongé nu dans l’océan glacé. Je n’ai pas claqué ma vie dans des nuits d’artifice et d’alcool lourd. Je n’ai pas écumé en coupé grand sport les autoroutes du sud.
Qu’ai-je fait. J’ai lancé un hameçon dans un courant tranquille. Le ciel et les saisons sont passés en moutonnements doux sur mon attente. Je n’ai pas quitté l’école où pourtant j’ai toujours souffert. Quand mon visage d’enfant s’est tourné vers moi, c’était celui d’un homme grisonnant.
Je suis enfin éternel, avec un corps qui vieillit par conformisme. Je peux aller et venir, dans les sentiments contradictoires, parmi les déboires risibles et les satisfactions infimes. Je passe un chiffon sur ces pièces de musée, je les change de place, je les abandonne dans le noir.
Jean-Pierre Georges, Trois peupliers d’Italie, Tarabuste, 1997
Je songe
Je songe à ce que je ferai quand je ne ferai plus rien. Quand le jour, d’heure en heure, déplacera ma chaise jusqu’aux confins du soir. Quand chaque repas sera une messe dans le silence partagé. Quand mes livres se seront à jamais refermés au garde-à-vous de la poussière.
Je ne me poserai plus la question du bonheur. J’aurai fait le plein de fuel domestique, taillé mes rosiers, relu La Nouvelle République du Centre-Ouest jusqu’à la dernière apostille. Mon attente n’excédera plus le long miaulement de la camionnette du boulanger. D’un bruit sec mon portillon dira son fait au monde arrêté à ma porte.
Dans la nudité de ma vie j’accueillerai chaque goutte de temps comme une perfusion funèbre, chaque goutte de froid jusqu’au froid définitif. Sans une contrariété, sans une colère, sans une révolte. Certains jours de grande lumière, j’irai regarder la Vienne qui coule en moi depuis l’enfance. Personne ne me reconnaîtra dans mon accoutrement de vieux.
Jean-Pierre Georges, Trois peupliers d’Italie, Tarabuste, 1997
Jamais mieux, Tarabuste, 2016
Une lecture par Pierre Perrin
La condition humaine est décortiquée, passée au vitriol. « On ne réclame la mort qu’en bonne santé. » Son sujet est pris dans une dérision de première importance. « L’homme est un animal qui pense. Surtout à lui. » Le sujet, cependant, ne se limite pas à la petite personne de celui qui l’écrit, entre le travail réduit à la servitude, les tours de vélo, force vacuités, même si Jean-Pierre Georges aimerait nous en persuader. « Pour éviter d’avoir des convictions, penser d’abord à toutes celles qu’on a défendues (avec ardeur et ridicule) et penser surtout aux convictions des autres ! » La vie entière passe dans ces pages. L’attention à la nature, pas seulement à l’animal, mais jusqu’au brin d’herbe. « Un homme de parole n’est jamais bavard. » …— Continuer la lecture