- Menu Possibles, nouvelle série n° 15, décembre 2016
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Jean-Claude Tardif, Choisir l’été
“invité” de Possibles, n° 15, décembre 2016
Je parle souvent d’elle

Je parle souvent d’elle mais jamais
ne la nomme. Les minutes s’éteignent
tout autant que les heures.
Derrière la fenêtre, le ciel porte
le crêpe du jour passé.
Alors que mes mains, sans le savoir,
la cajolent et se blessent sur son corps
que déshabille la nuit.
Je l’appelle d’un silence, elle ne me répond pas.
Pourtant, je le sais, jamais elle ne me quitte
ne m’a quitté et ne me quittera.
Elle sait tout de moi, boit mes paroles
épuise jusqu’à mon corps, cellule après cellule.
Tout ensemble m’affame et me nourrit
de temps perdus
oubliés comme l’est la jeunesse de celui qui s’en va
sans même se retourner sur l’ombre qu’il projette,
sur la nuit qu’il se sait devenir.
Je parle souvent d’elle sans prononcer son mon.
Je voudrais simplement qu’elle m’oublie.
Ils sont partis légersÀ Jean-Claude Pirotte & Pierre Autin-Grenier
Ils sont partis légers, mains dans les poches,
collégiens, vagabonds ; meneurs d’éternité.
Leurs mots se partageaient, pains bleus à satiété
et l’horizon portait leurs poèmes infinis.
Sous leurs semelles chantait l’ombre d’un colibri
ou l’empreinte exténuée d’une libellule triste
que l’on sentait trembler au lied du silence.
Sur le pli de leurs lèvres, le rouge
d’un vin cru ou le blanc d’un chablis
dessinait le ressaut de la terre et du coeur.
Revermont chavirait aux premières lueurs
quand la rue des Remberges se souvenait du Monde
et des petits gens qui dormaient doucement
sous des arbres inconnus au ventre des traboules.
S’y murmurait la vie au sortir des tabacs,
des cafés de quartier
où des songes trop simples, posés sur le comptoir,
nous donnaient à rêver.
La nuit, nous l’écoutions, à défaut d’autre chose ;
une trompette, un saxo, dans une boîte de jazz
quand l’aube nous trouvait en de curieux parages
au parc de la Tête d’Or ou plage des roches noires
hagards et tout pareils à des pigeons surpris
au plus fort de l’hiver.
Jean-Claude Tardif est né à Rennes en 1963 dans une famille ouvrière. Divers métiers, quelques voyages. Polygraphe, des livres – toujours minces – et un blog sur lequel le suivre. Quelques traductions ici et là. Des publications dans diverses anthologies, ailleurs aussi. Deux revues, de 1987 à 91 Le Nouveau Marronnier et depuis 1999 À l’Index. Des rencontres avec des écrivains dans le cadre du ‘Livre à Dire’ à Montivilliers (76) de 1997 à 2011. Signe (presque) particulier : toujours vivant.