Jean-Yves Masson in Possibles n° 15, décembre 2016

Jean-Yves Masson, Poèmes
Le contemporain pour ce numéro de décembre 2016

J’étais désir, j’étais soleil, j’étais orage / et tout parlait un clair langage à mon désir.
Jean-Yves Masson, Poèmes du festin céleste, éd. l’Escampette, 2002 [LI, Rêves]

[Onzain de la nuit et du désir] XLIX

couv. Onzains de Masson

De quoi me parlais-tu, ma mère, avant le jour,
de quel pays lorsque je n’étais qu’aube
et que m’enveloppait la nuit ?
Je sais. Nous habitâmes une terre de joie,
dans le commencement du monde avec les ombres
de l’avenir, qui était le pays de la patience.
Dans le jardin d’avant l’aurore où la lumière
avait lentement mis ses marques, ses empreintes,
tes paroles naissaient comme s’ouvrent des fleurs
et je guettais loin par-delà les grilles
le mystérieux silence de la bonté.

Jean-Yves Masson, Onzains de la nuit et du désirRepris en collection verte, 1995, troisième édition 2010, Prix Kowalski 1995, Cheyne éd.
Cette mise en ligne n’aurait pas pu se faire sans l’accord de l’auteur et de l’éditeur

LVII – Es ist worden spät
C’est le dernier vers du poème posthume Ihr tratet zu dem herde… de Stefan George et mon propre poème est plein d’échos de ce texte initial que je n’ai justement jamais traduit, surtout avec le thème du feu mourant dans l’âtre. Mais c’est écrit pour des lecteurs français et la “source” n’est pas si importante. J’ai quand même voulu la signaler par le titre allemand, en italiques, au cinquième vers, d’abord parce qu’il faut reconnaître ses dettes, ensuite parce que le sujet du poème c’est mon adieu à une pensée allemande qui m’a fasciné, celle de Heidegger, dont je me suis détaché difficilement, mais définitivement. [Notule de Jean-Yves Masson, courriel du 13 nov. 2016]

Nous sommes venus tard et les chemins mentaient
qui promettaient une lumière au prix des cendres.
Les routes étaient sombres et les forêts brûlaient
là-bas, dans le déclin du jour amer.
Ah oui, nous sommes venus tard, il s’est fait tard,
et nous avons trouvé le lit défait, la chambre obscure.
Depuis longtemps le feu dans l’âtre était éteint.
Mon âme, est-il possible qu’il soit si tard ?
Ah, les pays sont oubliés, qui nous aimaient.
Fumée du corps, dissipe-toi : l’hôte est parti.

Jean-Yves Masson, Poèmes du festin céleste, éd. l’Escampette, 2002
Cette mise en ligne n’aurait pas pu se faire sans l’accord de l’auteur et de l’éditeur

Jean-Yves Masson, Prix Max Jacob 2007 —>

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