- Menu Possibles, nouvelle série n° 20, mai 2017
- Sommaire de ce n° 20, nouvelle série, mai 2017
- Contemporain : Jean Orizet, Stances
- Jean Orizet, La Tourterelle de Kom-ombo
- Jean Orizet, Le Voyageur absent, extrait
- Présentation de Jean Orizet, poète
- Découverte : Roland Bullman
- Hier : Marie-Josée Christien, [n° 9, avril 1977]
- Invitation : Colette Fournier
- Note : Jean-Marie Kerwich, Le Livre errant
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- [Pour la B.N.F] ISSN : 2431-3971
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Jean Orizet, La Tourterelle de Kom-ombo
Le contemporain pour ce numéro de mai 2017
Je sculpte un temps secret

Je sculpte un temps secret qui se nourrit de rêves
J’ausculte un sourd écho venu de l’au-delà.
Soumise à ces vaisseaux qu’un battement soulève
Ma vie, jour après jour, coule et ne coule pas.
J’invente un entretemps pour mieux saisir le monde
Revisiter l’histoire et l’archéologie
Appréhender l’espace et le temps dans la ronde
Où tel moment parfait quelquefois s’abolit.
Je parcours la planète en usant mes chimères
Et je deviens moins sûr de mes bonnes raisons.
Nos réserves d’humain sont comme l’atmosphère :
Elle se raréfient, guettées par des poisons.
Envoi – avril 2008
Jean-Joseph Julaud, La Poésie de Jean Orizet, Cherche Midi, 2017
Cette mise en ligne n’aurait pas pu se faire sans l’accord de l’auteur
La Tourterelle de Kom-ombo
« Tandis que j’observais
le cylindre du puits et la marche de l’escalier menant au bord
inférieur de la margelle, je vis une tourterelle, très
vive d’apparence, venir s’y poser. Soudain elle se coucha
sur le côté, comme pour se rouler dans la poussière.
Je la quittai des yeux un instant afin d’observer la découpe
en clé de vie formée par l’orifice du puits et de
l’escalier. Cette “clé de vie” était,
pour les anciens égyptiens, un symbole de puissance et de fertilité.
Mon attention revint sur la tourterelle dont l’immobilité
me parut, d’un coup, suspecte. La vie semblait l’avoir quittée.
J’eus peine à le croire et voulus vérifier. Je descendis
les marches menant au puits et poussai l’oiseau du bout de ma
chaussure : paupières closes, il était bel et bien mort.
Sans doute avait-il épuisé son “espérance
de vie”.
« Je ne pus m’empêcher de
voir dans ce petit fait resté inaperçu de mes compagnons,
un signe de ténuité face au poids des symboles massifs
qui m’entouraient. Mais j’y relevai surtout l’ironie
du sort qui m’avait fait assister, sur les rives du Nil, à
cette mort emplumée, aussi discrète que pouvaient être
arrogants et démonstratifs les rites pratiqués jadis par
les prêtres de ce temple. L’ère chrétienne
avait commencé, le pouvoir de Pharaon s’achevait, remplacé
par celui des Grecs puis des Romains qui avaient mêlé leurs
divinités à celles du peuple conquis. La tourterelle de
Kom-Ombo était devenue, sous mes yeux, le cadavre minuscule d’un
immense empire évanoui. » [La Poussière d’Adam, Cherche Midi, 1997]