- Menu Possibles, nouvelle série n° 20, mai 2017
- Sommaire de ce n° 20, nouvelle série, mai 2017
- Contemporain : Jean Orizet, Stances
- Jean Orizet, La Tourterelle de Kom-ombo
- Jean Orizet, Le Voyageur absent, extrait
- Présentation de Jean Orizet, poète
- Découverte : Roland Bullman
- Hier : Marie-Josée Christien, [n° 9, avril 1977]
- Invitation : Colette Fournier
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- [Pour la B.N.F] ISSN : 2431-3971
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Roland Bullman, repris du Livre des visages
La “découverte” de Possibles, n° 20, mai 2017
fléau/forban englué/soupente
je ne m’accorde aucune absolution
aucun séjour hors zone pestilentielle
et personne ne m’acceptera en sa pitié
ni n’offrira son ombrageuse compassion à mon piètre personnage
mais est-ce que j’écris
ou suis-je occupé d’une autre façon à me taire davantage ?
pourquoi supporterais-je encore ma délinquance
cet ennui de moi qui se prolonge
s’avance toujours plus au cœur de la dernière lumière qu’il me semble ?
ce phare est éloigné mais il m’attire.
il parle.
m’affole.
je devrais partir. sans orgueil je l’assure
je suis ma cause la plus mystique.
je sais le dieu qui m’héberge
qui m’incite à récuser l’imperfection des mondes, le mien, le vôtre, celui qui est, m’entoure et me ravage.
je me viole impropre à respecter en mon plus intime cet intense désir du probe.
je ne m’accorde aucune absolution.
ni majuscule au début des phrases ni solennité de textes.
je ponctue, dilue, apte encore à m’imposer quelques distances entre nuances et expressions crisogènes. l’expérience la plus ardue ne consiste-t-elle pas à savoir le mal, en toute perception,
toute certitude, sans s’autoriser le moindre quelconque doute sur cette science ?
doute que l’on estime heureusement bien utile…
mon amour est un temps, ma vie, au terme de laquelle seront brûlées mes lettres à toi.
missives que j’ai toujours rédigées dans la forme la plus tendre.
raison pour laquelle il faut que tu les conserves encore dans quelque carton
comme on emboîte une bénédiction maudite dont on n’est pas responsable.
pourquoi te reprocherais-je d’être celle que j’ai aimé par-dessus mon propre intérêt ?
je savais que tout pouvait se marchander même les compromis avec l’âme.
après toi j’aurais dû choisir l’ascèse. pas les aubes.
c’est le sort du vaincu replet dont je me suis contenté. je ne m’accorde aucune absolution.
à l’instant, surgissent les mots carquois et persistance.
quelle force me pousse à les laisser émerger ? et pour quelle logique dont je n’ai pas la maîtrise ?
ils insistent pourtant, disant sans doute, imperceptiblement : use-nous.
exact : en bon bipède poétique, pingouin claudicant, j’ai abusé sans vergogne des vedettes de la chose poétique pour m’allonger dans l’état d’âme : l’écume, l’amertume, le temps, la mer, la lumière, les pierres, les nuages.
ces chemins verbaux sont des trouées dans la brousse
Roland Bullman, Le Livre des visages, 12 février 2017
La discrétion faite homme, on ne sait rien de Roland Bullman, sinon qu’il publie quelques pages pour ses amis – le regretté François Laur fut l’un d’entre eux –, sinon aussi qu’il prépare plusieurs recueils à paraître.