- Menu Possibles, nouvelle série n° 30, mars 2018
- Sommaire de ce n° 30, nouvelle série, mars 2018
- Contemporain : Lucien Wasselin, Fragments du manque
- Lucien Wasselin, La Rage, ses abords
- Lucien Wasselin, Poésie-réalité
- Pour Lucien Wasselin, par Pierre Perrin
- Découverte : Dom Bergougnoux, Chant des baleines
- Invitée : Alejandra Pizarnik, deux extraits
- Invitation : Patrick Chemin, Le Livre des visages
- Tous les
sommaires
- Avis de parution n° 30 pour relai vers les amis
- Index des auteurs publiés dans Possibles
- [Pour la B.N.F] ISSN : 2431-3971
- Accès au n° 31 —> le 3 avril 2018
Lucien Wasselin
Le contemporain pour ce numéro de mars 2018
Celui qui s’en va

Celui qui s’en va ne donne pas de ses nouvelles. Sur son lit d’hôpital, il a le regard embué et le sourire un peu forcé. La nourriture est bonne, on a trop à manger et tout va bien sauf que la télévision perfuse son poison. La boîte de chocolats reste sur le bord du lit qui, brusquement, est trop grand. La main s’arrache pour un dernier au-revoir. Je sais que je ne reviendrai pas : je ne cours pas assez vite.
Lucien Wasselin, La Rage, ses abords, Le dé bleu, 2001
Tous ceux-là qui parlaient haut
Tous ceux-là qui parlaient haut et fort dans nos bistrots quotidiens, ils chuchotent désormais au-dessus de mon épaule, me demandant si la bière est bonne. Celui-là qui, le regard désespérément vide, commençait la journée par une collection d’alcools – rhum, genièvre, cognac – pour arroser le café ; et cet autre qui ne fonctionnait qu’au bordeaux hurlant sur le mode paillard son désespoir de voir la fin arriver… Et cet autre encore qui s’enracinait à l’angle du comptoir pour ne pas se cogner la tête contre les murs de sa cuisine solitaire… Tous en allés ! Les voici avec cent autres du même acabit qui s’ignoraient poètes, défilant dans la rue devant un corbillard tiré par quatre chevaux noirs. Le cocher ivre joue une vieille rengaine sur un orgue de barbarie pour se rappeler au souvenir des vivants. Leur absence n’a laissé dans l’estaminet qu’un vide rapidement rempli comme les verres qu’on n’en finit jamais de vider.
Lucien Wasselin, La Rage, ses abords, Le dé bleu, 2001