Franck Venaille, Possibles n° 38, novembre 2018

Franck Venaille
Le contemporain de ce numéro de novembre 2018

Papiers d’identité

Maintenant ils disent que je ressemble aux enfants du mois d’août qui creusent des fossés dérisoires contre un château qui s’en effondrera. À peine enlevé le sable glisse, gicle, petite pluie qui me traverse et j’abandonne bientôt, les yeux brûlés, les épaules recouvertes les enfants pensent à la curée prochaine. Je n’ai même plus l’envie de tenter le dialogue Trahi, désemparé que peut l’alcool sinon hâter l’échéance les coups de pelle vont pleuvoir J’aborde à la douleur que je narguais du haut de mon bonheur factice ils vont bientôt m’interroger, réclamer des éclaircissements je leur confie la date de mon suicide sans cesse reportée depuis neuf ans. Solitaire, guère solidaire je me débats mais je n’insulte personne (il faut dire que le sable commence à m’étouffer) la plage oscille ils vont bientôt enfumer mon terrier. Je t’aimais Un lit n’est qu’un lit et le sable ne grince pas, voici les cris les coups, cette fois-ci je suis définitivement blessé…

Franck Venaille, Papiers d’identité, P.J.O., 1966

L’Apprenti foudroyé

Je n’eus pas même le temps de désirer ses jambes qu’elles galopaient déjà sous ma bouche tandis qu’elle gémissait la bave du plaisir aux naseaux Quatre jours nous fûmes unis comme le cavalier à sa chevale m’arrêtant le temps de la faire boire, changeant d’hôtel comme de harnachement, lui essuyant les flancs Nous courûmes les routes la fièvre nous précédait et réchauffait le lit Le dernier soir j’avais brisé toute la porcelaine de sa vie Toutes ses statuettes Tous ses cristaux mon dieu je reviens un peu plus meurtri Ce dont les autres cavaliers se vantent me déchire —

Franck Venaille, L’Apprenti foudroyé, P.J.O., 1969


Franck Venaille, La Descente de l’Escaut —>

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