Raluca Belandry, in Possibles n° 38, novembre 2018

Raluca Belandry
La “découverte” de Possibles, n° 38, novembre 2018

Que dire qui maintienne

Raluka Belandry Que dire qui maintienne l’histoire irrésolue
sur la surface d’une conversation entre prose et vers –
séduire ou taire, soulever le verre ou le briser ?
Je marche sur des éclats, j’enfonce des doutes
et le corps, bien que mis à mal, se tord en ricanements.
Les muscles suivent, ils tiennent la face, la face le cœur
et le cri oublié se pétrifie, comme ce noyau, pépin d’une pomme
que je croque encore jusqu’au trognon, et mes dents se heurtent
non contre jus, ni contre chair, ni contre odeur – ils touchent ce cœur
vide et paré de toute idée juste et belle et opportune à cacher
que l’on ne sait, ne goûte, ne prend, ne lâche, ne touche, ne tient.
Quand elle rit, vraiment, la dent touche ce qui mord l’irrésolution.

Raluca BelandryLe Livre des visages, 4 juillet 2018

Portes ouvertes qui mentent

Portes ouvertes qui mentent en baillant
la vue s’y échappant prétend l’aveuglement
et l’argument suit l’entendement :
« nous sommes l’ouverture qui refuse le craquement
des planchers qui poussent les rebords,
ouvertes peut-être mais sciemment muettes ! »
Sombre l’ombre de l’homme qui les enfonce
stupéfaction de les trouver ouvertes et mortes
cadenas cassés, bouches baillantes huilées
habituées à figer et à se figer.
La vue engouffrée circule de son air étranger
parmi les portes ouvertes qui se ferment et crient.
Criant les mâchoires carrées se serrent,
l’ombre de l’iris s’échappe de l’aveuglement.
Sien argument : l’ouverture est craquement.
À le dire, quelque chose se rompt.

Raluca BelandryLe Livre des visages, 14 septembre 2018

Raluca Belandry est née en 1981, en Transylvanie. En France depuis une quinzaine d’années, ancienne avocate, elle se consacre à présent à l’écriture et au théâtre. D’écume et de Basalte est sa première parution à découvrir sur cette page. Les deux poèmes ci-dessus appartiennent à un recueil à paraître sous le titre Corps inconnu – sept chambres. Elle lance par ailleurs une revue papier, Daïmon, à découvrir. Le premier numéro sort des presses comme on disait autrefois.


Hier : Jacques Moulin, L’Épine blanche —>

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