Frédéric Tison, in Possibles, n° 9, juin 2016

Frédéric Tison, Trois poèmes
[La page “découverte” de Possibles, nouvelle série n° 9, juin 2016]

Une porte s’ouvrait

© Frédéric TisonUne porte s’ouvrait sous les branches. Il attendit pour la franchir que baisse le jour. La nuit semblait revenir de loin. Alors Elle — celle qui n’a pas de nom — le suivit en silence. Comme sa main dans la sienne était douce ! et sable et velours. Il n’y avait pas au monde d’autres collines que ses seins. La porte se referma sur eux sans un bruit. Il y eut un temps, il y eut un soleil. Alors seulement les oiseaux consentirent à revenir, et de nouveau l’arbre chanta. [Cahier II., III]

Le vent apportera

Le vent apportera les mêmes images, les mêmes phrases, les mêmes cadences —, et le monde demeurera cette harpe inemployée. Cet océan aura le corps d’une flamme, et les vagues, en se retirant, laisseront toute la place aux coquillages murmurant. Le ciel — un même ciel — sera parcouru d’oiseaux qui s’étonnent. On aura tout négligé, tout perdu, et dans la ville on oubliera les anges qui se penchent aux fenêtres à jamais.
Il y aura cette fleur : cette même fleur qui touche aujourd’hui le bord de ton chemin, haute, douce fleur ! reine nouvelle parée de la robe immortelle. (Te souviens-tu de ceux qui se penchèrent tour à tour dans l’extrême Jardin du roman de la rose ?)
Ne l’oublie pas, toi. Incline-toi : parle à la fleur avant la cendre douce qui te sait. [Cahier III., XVI]

Frédéric Tison, Le Dieu des portes, Librairie-Galerie Racine, 2016, 98 pages, 15 €
[avec l’aimable autorisation de l’auteur et de l’éditeur]

La note de lecture par P. P. pour Le Dieu des portes

Il marchait encore tout à l’heure

Il marchait encore tout à l’heure à grandes enjambées
Dans la nuit de la ville, près des portes fermées.
Il faisait beau dans le ciel noir et pacifique, il était le nuage –
Il était mille songes et nul de ces songes n’était le sien.

Voitures d’ombres, murmures de fenêtres alentour
Et mille alarmes chuchotées. Il traversait
Une rue vide, et de pierre, et d’eaux glacées
Rapidement sans y penser allant la demeure constellée.

L’homme dort en la haute chambre. Il m’a semblé
Entendre l’heure, et la feuille des hivers et des étés
Se froisser. Ai-je rêvé, encore
Son sommeil — il brûle inachevé — et son passé ?

Frédéric Tison, Les Effigies, Les Hommes sans épaules/LGR, 2013

Yves Martin, entretien, suite, III —>

Frédéric Tison, né en 1972, a publié des livres de contes et de poésie, dont Anuho, Les Quatre Livres, éd. Larbaud et Cie, 2005, Les Ailes basses, éd. Librairie-Galerie Racine, 2010, Les Effigies, collection Les HSE, éd. Librairie-Galerie Racine, 2013 et Le Dieu des portes, mêmes éd. et coll., 2016. On peut le suivre sur Facebook. Il a aussi publié dans les revues Les Hommes sans Épaules, Recours au poème, Ce Qui Reste. Concerto pour marées et silence paraîtra en juin. Il est l’auteur de quelques livres d’artiste conçus avec des peintres et des photographes. Il figure dans l'anthologie de Christophe Dauphin, Appel aux riverains, éd. Les Hommes sans Épaules, 2013. Un de ses poèmes a été mis en musique par la formation musicale Le Fil du rêveur (L’Échappée perpétuelle, 2014). Éditeur de livres rares et oubliés (Jehan Renart, Charles d’Orléans, Maurice Scève, Étienne Dolet), il est d’autre part l’auteur d’albums de photographies, et s’adonne à l’encre de Chine et à l’aquarelle qu’on peut trouver sur son blogue. Il vit et travaille à Paris.

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