Michel Monnereau in Possibles n° 9, juin 2016

Michel Monnereau, Deux inédits
Le contemporain : inédits accordés pour ce numéro de juin

O Tempora ! O Mores !

Je viens d’un temps où les hommes parlaient aux hommes
face à face, à portée de cœur et de larmes,
un temps où les ciels de colère traversaient les regards,
où les rires étreignaient à vous couper le souffle.

Je viens d’un temps où les hommes parlaient aux hommes,
la veste sur l’épaule, sur le pas des portes au soir couchant.
La paix gagnait les villages, les chiens se répondaient
et, les bêtes rentrées, on accueillait la nuit dans sa fatigue.

Je viens d’un temps dont les hommes de la ville
n’ont aucune idée, le temps malaisé du bonheur simple.
On ne fermait pas les portes, on ne volait de temps à autre
qu’une heure ou deux pour soi – et c’était une ivresse.

Moderne

Il est du genre à décommander sa mort.
Des avancées l’attendent, chaloupes de haute mer.
Il compte corriger la trajectoire du monde,
se perd dans ses assistantes, empile ses retards,
téléphone au hasard, qui ne répond pas.
Il a perdu son point de départ, mélangé les cartes.
A-t-il seulement vécu avant demain ?
Il a oublié le vent, la pluie, le soleil,
il méprise les hommes qui vivent à marée basse.
Il prend des risques au débotté,
rit de se voir si beau dans les mémoires,
croise au large de l’ordinaire
— là où nous perdons pied.
Il tient son destin par le cou
et serre chaque jour un peu plus fort
pour mieux jouir de la vie.

Michel Monnereau, inédits, 2016

Michel Monnereau : Novembre —>

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