Cécile A. Holban, Possibles n° 17, février 2017

Cécile A. Holdban, Deux inédits
[La “découverte” de Possibles, n° 17, février 2017]

J’ai rêvé d’une maison

J’ai rêvé d’une maison
qui serait ton corps à habiter
à travers des clairières en flammes, en fleurs
des fenêtres de sable clair à repousser.

Tu n’apparaissais qu’au lointain de l’oiseau
à son vol de faux qui à chaque fois m’éloigne
un peu plus de moi-même,
dans les bourgeons de lune et d’aiguilles
enfant-feuille, écureuil, rousse parmi les pins
peut-être pour respirer la sève crue encore,
comme elle perle quand la chaleur fait transpirer l’écorce
résine, miel amer, l’enfance tout entière
dans une goutte.

Je possédais pour toujours
la légèreté et la lumière, et dans des bras vêtus d’arbres
ailes repliées sur les cailloux du cœur
il n’y avait plus que transparence
où tout s’apaise.

Tu lèves le matin

Tu lèves le matin grignoté d’inquiétude
et les lisières pâles qu’une flamme
transforme en cendre de papier
le fil incandescent auquel le cœur s’accroche
tranché, s’amenuise et disparaît.

Dans le train, tu es le seul à lire
tes doigts caressent les pages, sous la caresse
elles frémissent et prennent vie, telles de petites bêtes
des fétiches cernant la nuit.

Tes cils battent, au rythme de la rame,
filtrant la coulée du regard éperdu, tu les cherches
revenez, grands oiseaux aux bras humains,
oiseaux d’encre lointains – revenez !

Les yeux des passagers fermés sur un destin opaque
ces vitres où tu te fends
jusqu’au noyau cru, vide, des mots
morcelé, tu n’as qu’un seul corps
qu’un poème doit rassembler.

Cécile A. Holdban, repris de Fb, septembre 2016

Cécile A. Holdban, poète et traductrice, notamment d’auteurs hongrois, occupe ici la “case découverte”, parce que chaque page d’elle est toujours nouvelle. Bien sûr, elle a publié Poèmes d’après, Arfuyen, 2016 dont Possibles a donné deux extraits dans le n° 10.

Hier : Marie-Françoise, Le Héron —>

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