- Menu Possibles, nouvelle série n° 19, avril 2017
- Sommaire de ce n° 19, nouvelle série, avril 2017
- Contemporain : Nimrod
- Nimrod, Les Murs, extrait
- Nimrod, Babel, Babylone, extrait
- Présentation de Nimrod, poète
- Découverte : Élisabeth Gaumet
- Hier : Jacqueline Saint-Jean, [n° 9, avril 1977]
- Invitation : Francesco Pittau et Tête dure
- Les lectures de Mamie Tine, Le roi et le premier venu
- Tous les
sommaires
- Index des auteurs publiés dans Possibles
- [Pour la B.N.F] ISSN : 2431-3971
- Accès au n° 20 —> le 5 mai 2017
Nimrod, J’aurais un royaume en bois flottés
Le contemporain pour ce numéro d’avril 2017 – en son anthologie personnelle 1989-2016
Les Murs, extrait 9
C’est toujours près des murs que la vieillesse survient. Près du grand âge – et sa dîme de paille, sa redevance de bonheur rapaillé. Le sourire édenté d’une grand-mère se réchauffe au soleil de décembre comme un lézard, le lézard le véloce… Il précipite le sable. Grand-mère l’enlève d’une main attendrie, qui est l’art de sourire des vexations. Et quand tu reviens à la maison sous le coup de dix heures, quand la faim te creuse, révélant quelque chose en toi de très vieux, mais que tu accueilles dans l’accueil que te fait grand-mère, tu éprouves le sentiment du retour, l’abandon qui est le retour au cœur du pays patient. La paille vient reposer à tes flancs comme une attelle.
Car les dieux sont là, au milieu des gens de peu, des gens de paille, ceux qui n’ont ni discours ni recours à la pensée, et qui se contentent du mur chaud où ils réchauffent leurs os. C’est en janvier, au cœur de l’harmattan. Il suffit d’un coin de murs, d’un angle droit dressé contre le vent. C’est assez pour que la température monte à 25 degrés, quand elle est de 15 degrés dans le reste de la maison. Et lorsque les os se réchauffent, l’éternité nous submerge. C’est l’ossuaire des ancêtres.
La merveille, la science, la joie, c’est l’événement-poussière qui tournoie à nos pieds. Disparaître et renaître comme une prémonition de ruine. Ou comme père, dans son cimetière. Le nim, l’arbre clavecin, lui tient lieu de berceuse. Là grand-mère l’a précédé. Parfois, les murs gagnent de la profondeur en s’élevant. Ils refaçonnent le temps, ils raccommodent les dieux. En surface, l’herbe refait l’antique stèle.
J’inaugure le discours nouveau, d’Homère à Ogotemmêli, du vide divin à la plénitude qui chambre les termitières.
Nimrod, J’aurais un royaume en bois flottés, Poésie/Gallimard, 2017
Cette mise en ligne n’aurait pas pu se faire sans l’accord de l’auteur