Francesco Pittau in Possibles n° 19, avril 2017

Francesco Pittau, deux inédits
repris du Livre des visages avec l’accord de l’auteur
[La page “invitation ” de Possibles, n° 19, avril 2017]

Tu dis que tu as vendu ta maison
un jour de brouillard
un jour où les chiens de l’enfer hurlaient
au loin comme lorsque ton père
agonisait sur le canapé du salon
secoué par les vagues de la souffrance
l’œil braqué sur la télévision
comptant les points des joueurs de billard
Il tortillait un coin d’oreiller
il ne quittait pas la télévision du regard
Tu dis que tu te souviens à chaque instant
de l’odeur des médicaments
De l’image figée de la télévision
de la couleur du papier peint
et des photos de son mariage
un jour de soleil
et des photos de son mariage
un jour de sourires
Tu dis que tu as vendu la maison en automne
un jour sans pluie un jour fragile
couleur de faïence et de grès
La télévision est éteinte depuis longtemps
le chat est parti dans la nuit
son bol attend toujours au pied du frigidaire.

[Mégots, le 8 février 17]

J’ai perdu à tout jamais l’envie
de compter les gouttes de pluie
ou les flocons de neige qui tombent
sur la ville endormie ou sur la ville éveillée
qui draine toutes les rumeurs du monde
J’avais ce rêve de dénombrer les gouttes
de pluie les jours d’orage le nez collé
à la vitre dont l’haleine sent toujours
un peu la mer et le sable quoi qu’on fasse
— j’avais ce rêve de gouttes de pluie
j’avais ce rêve de flocons rangés sur les étagères
comme de petits mondes clos et ouverts à la fois
des rêves d’hiver et des rêves d’enfance
Le rêve a disparu— restent la pluie et la neige
toujours aussi froides sur l’herbe du jardin
restent les jours pétris de nuages
reste cette énigme absolue de la vitre
qui sent la mer les monstres des profondeurs
la crevette et le gros sable roux
la vitre qui sent le magma premier le bouillonnement
des volcans et les bêtes à présent oubliées
Dans la vitre on peut voir tout cela qui se profile
inlassablement avec une vigueur encore pareille
à celle des premiers instants
Je regarde le monde à travers cette vitre.
[en cours, le 16 février 17]


Francesco Pittau, Tête-Dure
roman, éditions Les Carnets du Dessert de Lune, 98 pages, 12 €

Tête-Dure de PittauAuteur « né de parents inconnus et qui le sont restés (sauf de leurs voisins, amis, etc) Francesco Pittau a commencé à écrire, un jour, et s’arrêtera probablement un autre jour. Il espère voir encore une trentaine de 29 février. » C’est ainsi qu’il se présente et cet humour, clair et noir à la fois, caractérise l’esprit de ce roman. Cet auteur roboratif publie nombre de livres pour la jeunesse. Chez lui, nul affadissement, au contraire. Cet extrait de la troisième page, qui plante le décor, l’atteste : « Tête-Dure soulève d’une main le bord frangé de la pesante nappe en tissu qui dissimule… — Continuer la lecture



Les lectures de Mamie Tine, Le roi et le premier venu —>

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