- Menu Possibles, nouvelle série n° 23, août 2017
- Sommaire de ce n° 23, nouvelle série, août 2017
- Contemporain : Jean Malrieu, trois poèmes
- Jean Malrieu, Nuit d’herbe
- Jean Malrieu, J’ai perdu mes jours
- Claire Fourier, Pour que vive l’édition
- Découverte : Constance Hesse-Asplanato
- Hier : Michel Merlen, Les Rues de la mer
- Invitation : André Campos Rodriguez
- Éric Poindron, Comme un bal de fantômes
- Tous les
sommaires
- Index des auteurs publiés dans Possibles
- [Pour la B.N.F] ISSN : 2431-3971
- Accès au n° 24 —> le 5 septembre 17
Jean Malrieu, Nuit d’herbe
Le contemporain pour ce numéro d’août 2017
Le signalement de la beauté est inconnu. Jean Malrieu, Hectares de soleil, 1971
Nuit d’herbe, nuit mise à nu, nuit d’ignorance, nuit de refus,
Je gémis. La barque à l’ancre se soulève. Le dernier flot de la marée accourt.
Ne crains rien des douleurs de l’amour. Les oiseaux dorment. Le vent ne sait où se poser. Il se repose.
Et sans maître habité par la nuit, je suis aussi ce bateau fou.
Beau temps, n’est-ce pas, timonier ?
Beau temps de minuit, beau temps de l’amour.
Les câbles et cabestans grincent. C’est le désir. Des vagues s’épousent. Le port est au bout du monde, tes hanches, tes seins, je ne sais.
Je gémis de toute plainte pour tous les hommes. Je psalmodie, je crie, je murmure, je me tais.
Je n’ai rien dit, je n’ai rien fait.
Car tes cheveux comme les forêts brûlent avec ton odeur de fruits lointains,
Car te répondent le sang lourd de la lente race terrienne, mes mains d’artisan, ma langue rude.
Farouche, depuis que je te connais, je fais l’amour. Je connais toutes les heures de la nuit. Le ciel s’incline. Mourir n’est rien. Vivre n’est plus. Je n’ai qu’une histoire, une violente patience.
L’oubli s’assied sur la montagne et nous avons le temps.
Beau temps, n’est-ce pas, mégissier ? Le temps d’attendre l’amour. La barque soulevée, la marée se retire. Le vent oublie qu’il est le vent. Tes lèvres sont le bout du monde.
Dans bien longtemps
Tu m’étouffais, tu m’as rejoint, je te retrouve.
Homme et femme nous serons morts.
Mais les astres qui nous ressemblent recommencent.
Jean Malrieu, , Préface à l’amour, 1953