Mirage, un poème de Christophe Dauphin in Possibles n° 2, revue de poésie en ligne [nouvelle série]

Christophe Dauphin, Mirage
Totems aux yeux de rasoir [poèmes 2001-2008]

Christophe Dauphin écrit des poèmes comme on élève des barricades, pour défendre contre les envahisseurs barbares la cité des rêves. Il frappe fort, en tordant le cou au lyrisme afin d’obtenir des effets plus grands.
Sarane Alexandrian, préface à Totems aux yeux de rasoir, 2010


Mirage


couv. TotemsLes lampes se fanent dans la braise écrasée des fenêtres. La mer noire s’enfonce dans mon ombre pour un dernier regard. Le voyage est cette route obstinée vers des lieux illusoires. Une promesse indéchiffrable sous la paupière des réverbères, une plainte de loup qui gangrène la neige et vient s’échouer au cœur de la Sibérie, pour emplir les jarres de l’absence.

Derrière le monde, on a le temps de s’habituer à mourir. L’univers n’est nulle part entre les étoiles ; on appelle cela une tombe. Le voyageur se hâte de vivre, sentinelle dans le cristal du rêve. Âme en exil qui se défait comme une haleine, avec un monde sous ses pieds, et l’espérance sous le secret du sable.

Devant toi, un trou, dans une ville rasée par le vent. Les souvenirs s’inscrivent dans une étoile noire. Partant en signe de conquête dans la flamme du jour, le cœur traqué dans la brûlure des feuilles, le voyageur ne part jamais qu’à sa propre rencontre, comme l’abeille dans les plis de l’été, avec l’espoir de trouver sa bouée, au milieu du naufrage humain.

Christophe Dauphin, Totems aux yeux de rasoir [poèmes 2001-2008], éditions Librairie-Galerie Racine, 2010
[Remerciements à l’auteur et à l’éditeur qui ont autorisé la publication du présent poème]

La Tête à couper, poème de Christophe Dauphin —>

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