Sébastien Robert et revue Haies vives [Possibles, nouvelle série n° 1, novembre 2015]

Sébastien Robert et revue Haies vives
[La page “découverte” de Possibles, nouvelle série, n° 2]


à Aimée Robert (1924-2012)

Les pierres et l’os.
Il fallait
Descendre jusqu’au fond
Ta vie dans la mienne
Et bénir.

Dieu,
De vent et d’eau livrés !
Autour, des prières s’élèvent
et je veille.

Petite et jetée,
la terre
n’avait pas recouvert
le drap de toile et de pluie :

on ne vit plus, pâles,
tes mains jointes au matin.

Voici qu’elles se donnent,
relevées de présence
et voulues maintenant.

Un air lourd
et le froid du corps :
aucun signe ne s’élève.
Pas un mouvement.
Pas un feu.

De l’intérieur,
comme un lieu jamais connu,
rien ne souffle.

Sur ton visage tranquille,
il ne faisait pas froid :
les merles pliaient leurs voiles.
Du dehors,
chacun se détachait
de tes doigts.

Au delà de ta peau
de grosse laine
et de chaleur toujours aimée,
le souvenir
se tenait roide
et fier.

Ce n’est plus assez.

Nuit profonde.

Tu respires les heures

et le noir, dans la chambre
dessine le lilas mauve
en grappes odorantes.

Des chants de merles
au-dessus de l’armoire,
ton linge jamais déplié
débordent.

Sur ton front
des fleurs
du seringas vivant
l’impatiens multipliée

Où le jour ne cesse pas.


Sébastien Robert, Des fleurs blanches, fragment[s] d’un tombeau en cours d’écriture


couv. Haies vivesSébastien Robert est né en 1983. Il a publié Épiphanies, éditions du Petit Pois, 2014. Dans un entretien publié sur le site de l’éditeur, il fixe le cadre de son écriture. « Si ces paysages sont comme des témoignages divins, je ne puis les voir et les entendre que parce qu’ils sont d’abord des témoignages humains, solides et pétris de vivants souvenirs. » Il termine un essai sur Montherlant, qu’il estime un grand oublié de nos lettres. Parrallèlement, il dirige depuis 2012 Haies vives, une revue au tirage papier, à laquelle il a adjoint un site. Celui-ci, peut-être un peu long à s’afficher, ne manque pas de charme. Le n° 3 de cette revue annuelle vient de paraître. Il compte 76 pages. L’éditorial s’achève sur deux notions captivantes : « Tous les sens du poète respirent, et ce qui est respiré s’écrit : toute poésie est une pneumographie. » Pour ce syllogisme, Claudel l’aurait sans doute embrassé, sans lâcher sa canne. Et la fin : « Le lieu poétique est un foyer où le poète s’égare pour se trouver. » Si la contemplation de la nature peut laisser rêveur un lecteur d’aujourd’hui, Sébastien Robert fait preuve d’intelligence et d’une plume bien trempée. [Pierre Perrin, 30 septembre 2015]

Hier : Katrine Mafaraud [1987] —>

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